Contrairement à ce que laisse entendre une célèbre chanson populaire, les matins se suivent mais ne se ressemblent pas. En tout cas, pas au FFM.

Si la première projection de dimanche fut ponctuée par une longue ovation (Ben X de Nic Balthazar); celle d'hier semble être plutôt passée par-dessus les têtes des festivaliers.

Toi, la première entrée québécoise dans la compétition, fut en effet accueilli plutôt sèchement. Les réactions à la sortie étaient même très tranchées.

Visiblement, le troisième long métrage de François Delisle touche un point sensible et ne laisse personne indifférent. Il n'a, à vrai dire, rien du film «aimable» et consensuel. Voilà bien une qualité en apparence de plus en plus rare dans le contexte de production qui prévaut présentement au Québec...

«Le cinéma d'auteur existe pour donner de l'oxygène à notre système de production, déclarait hier l'auteur cinéaste. Sinon, on ne produit plus que des produits. Et puis, je privilégie un cinéma à caractère plus personnel. Je m'intéresse à la parole des gens, à ceux qui ont un point de vue sur la vie.»

Dans son film, Delisle apostrophe très directement des thématiques pour le moins intimes. Il s'attarde à la dérive existentielle d'une femme en quête d'absolu qui, pour tenter de trouver des réponses, abandonne tous ses ancrages. Et Delisle ne prend aucun détour, aucun faux-fuyant.

La toute première scène du film, qui n'est pas sans rappeler celle de 37,2 le matin par sa nature très crue, montre l'héroïne du film dans un rapport sexuel avec un amant qu'elle fixe droit dans les yeux. Il n'y a rien d'heureux dans cette scène; qu'une femme et un homme dans un lien charnel duquel émane une forme de désespoir. D'emblée, le ton est donné.

Cette femme, c'est Michèle (Anne-Marie Cadieux). Mariée à Paul (Laurent Lucas), avec qui elle travaille, Michèle entretient depuis quelque temps une liaison avec Thomas (Marc Béland), un musicien.

La dérive s'accentuera le jour où la quête de liberté de cette femme prendra nécessairement la forme d'une rupture familiale. Le fils du couple, âgé de 8 ans, en perdra lui aussi ses repères.

Le regard que porte Delisle sur le parcours de son héroïne est d'une justesse et d'une lucidité effroyables. Le récit traduit d'ailleurs magnifiquement les tourments intérieurs d'une femme qui ne sait plus du tout où elle en est.

On y explore aussi la notion d'interdépendance qui lie un individu à un autre. Et qui le lie aux autres aussi. S'il s'attarde principalement à la quête de Michèle, l'auteur cinéaste aura en effet pris soin de faire exister les personnages périphériques: le mari dépendant; l'amant qui, contrairement au mari, refuse toute notion de dépendance; et le petit garçon, complètement perdu dans cette histoire d'adultes. Les acteurs, Anne-Marie Cadieux en tête, lâchent toutes leurs peaux. Et s'abandonnent totalement.

Delisle a ainsi orchestré un conte moderne, épidermique, qui fait écho à une quête existentielle exigeante. La mise en scène, en prise directe avec l'urgence du propos, évite toute forme d'esbroufe et vise constamment l'essentiel. Dans son âpreté même, Toi est un beau film. Il est à prendre. Ou à laisser...

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Toi de François Delisle

Aujourd'hui à 15 h 30 au Quartier latin. En salle à compter du 31 août.

Un film convenu

Le deuxième long métrage présenté hier en compétition s'attardait aussi à la quête existentielle d'une jeune femme. Samira Fi Adayaa (Les jardins de Samira), du Marocain Latif Lahlou.

Y défile longuement - et de manière plutôt convenue - le récit d'une jeune femme nouvellement mariée à un exploitant agricole veuf et sans enfant. Insatisfaite sexuellement, la Samira du titre se tourne vers le neveu fringant du mari, homme à tout faire dans la maison où vit aussi le grand père malade.

Dans un tel contexte, on se doute bien que la belle affaire tournera au drame. D'une histoire qu'on a déjà racontée mille fois, le cinéaste tire un film qui ne présente aucun signe distinctif.

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Samira Fi Adayaa (Les jardins de Samira) de Latif Lahlou

Aujourd'hui à 16 h 30 au Cinéma Impérial.