«Je n'ai jamais pris de cours de comédie, je n'avais pas les moyens!» a affirmé dans un entretien à l'AFP la française Hafsia Herzi, qui à vingt ans est l'une des plus belles révélations de cette 64e Mostra dans La graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche.

Tour à tour bouleversante et drôle, elle incarne Rym, une jeune fille élevée par sa mère, laquelle tient un petit hôtel à Sète où ont élu domicile des ouvriers retraités des chantiers navals originaires du Maghreb.

Dévouée à l'un d'eux, Slimane, qu'elle considère comme son père, Rym déploie toute son énergie pour lui permettre de réaliser son rêve: ouvrir un restaurant de couscous sur un vieux rafiot racheté avec ses indemnités de licenciement.

Joli minois doré et yeux noirs, Hafsia crève l'écran dans ce personnage de gamine idéaliste et volontaire qu'elle interprète avec finesse.

«Je n'avais jamais pris de cours de comédie, je n'avais pas les moyens (...) Je n'avais joué qu'un petit rôle, à douze ans, dans un téléfilm pour France 3... après j'ai fait de la figuration», raconte-t-elle.

Choisie par Kechiche lors d'un casting, cette jeune marseillaise d'origine algéro-tunisienne s'est investie totalement dans ce premier vrai rôle, faisant quatre heures de musculation par jour et six heures de danse par semaine.

Pour le tournage de septembre à décembre 2005, elle a délaissé l'université, mais a tout de même réussi ses examens de deuxième année de droit.

Autre sacrifice, Hafsia a dû prendre quinze kilos à la demande du réalisateur - en mangeant un tas de pizzas, de pâtes et de gâteaux pendant deux mois: horrible! dit-elle en riant - pour jouer la sensuelle, mais éprouvante scène de danse du ventre qui clôt le film.

Malgré une blessure à la cheville, elle dansera avec une atèle, pendant trois jours, 45 minutes d'affilée pour obtenir l'état de transe voulu.

«Être comédienne, j'en ai tellement rêvé que je me suis donnée à 500 % tout le temps, même quand je ne faisais que marcher!», affirme Hafsia.

Depuis La graine et le mulet, elle a tourné Française, premier film de Souad El Bouhati, le téléfilm Ravages de Christophe Lamotte pour la chaîne franco-allemande Arte, et jouera bientôt dans L'aube du monde d'Abbas Fahdel.

Mais auparavant, elle a dû perdre son accent marseillais... et ses kilos.

«On m'a souvent dit : «Tu ne peux pas faire une carrière avec l'accent marseillais!» dit-elle, ajoutant: mais le pire c'était d'entendre : «Tu es trop grosse!».»

«J'avais beau expliquer que j'avais grossi pour le film... Je trouve ça scandaleux: dans ce métier, une fille fragile mentalement devient anorexique».

Née le 25 janvier 1987 et benjamine d'une famille de six enfants, Hafsia n'a pas connu son père, mort avant ses deux ans, et tout comme son personnage elle a été élevée par sa mère, qui faisait des ménages.

Aujourd'hui elle vit dans le XIXe arrondissement de Paris, où elle a pris une chambre et apprend la comédie, un peu triste d'être loin de sa famille.

«Je viens du Nord de Marseille, où c'est vraiment la misère, alors ma mère m'encourage, mes frères m'ont dit: «Pars de là!»», dit-elle.