Après Cannes, Toronto et avant Paris: Grande Prairie. Le plus récent film de Denys Arcand, L'âge des ténèbres, prend l'affiche aujourd'hui dans cette ville du nord-ouest de l'Alberta, trois mois avant Montréal et le Québec, a appris La Presse.

Les cinéphiles de Grande Prairie, une ville de 50 000 habitants à cinq heures de route d'Edmonton, peuvent voir dès aujourd'hui, au cinéma Cineplex Odeon, Days of Darkness dans sa version internationale en français, sous-titrée en anglais, d'une durée de 104 minutes.

Cette exclusivité mondiale, les spectateurs de Grande Prairie la doivent à l'Academy of Motion Pictures. Pour se qualifier pour la nomination à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, un film doit avoir pris l'affiche dans une salle commerciale et dans sa version internationale, pendant sept jours consécutifs dans le pays qui le représente, entre le 1er octobre 2006 et le 30 septembre 2007.

Avec une sortie québécoise prévue le 7 décembre, L'âge des ténèbres était exclu d'emblée de la course. Grâce à une sortie dans une petite ville de l'Ouest canadien, le dernier film de Denys Arcand, qui avait décroché la statuette en 2003 avec Les invasions barbares, a pu être sélectionné pour représenter le Canada dans la course aux Oscars.

«Je trouve vraiment que vous cherchez la petite bête noire», répond, apparemment excédé, Patrick Roy, président d'Alliance Vivafilm. La pratique est, selon lui, monnaie courante chez les distributeurs, américains notamment, qui souhaitent répondre aux critères de sélection de l'Académie.

«Il n'y a rien d'exceptionnel là-dedans, c'est ce qui se fait tout le temps. La copie présentée est une copie qui ne sera jamais présentée au Québec. Et on a une stratégie différente pour le Québec. Ça se fait dans tous les pays du monde, il n'y a pas d'histoire là!» soutient-il.

Le distributeur a rappelé comment Les invasions barbares s'était qualifié pour les Oscars. «Pour Les invasions, la copie internationale était sortie à Magog. Personne n'en avait parlé!» s'est-il exclamé. C'est exact, mais le film avait bénéficié d'une sortie québécoise avant d'être projeté à Magog.

Cet épisode s'ajoute à une série de rebondissements concernant la sortie de L'âge des ténèbres. D'abord prévue pour le mois de mai, la sortie québécoise du film avait été repoussée, peu avant le Festival de Cannes, jusqu'au mois de décembre. La sortie française, elle, est restée fixée au 26 septembre.

Pas de sortie américaine

Du côté américain, aucune sortie n'est encore prévue pour Days of Darkness. Et pour cause: aucun distributeur n'a encore acheté les droits du film. «C'est une comédie, mais une comédie qui bascule dans un côté très désespéré, a expliqué à La Presse le coproducteur français de L'âge des ténèbres, Dominique Besnehard. Donc, c'est un film qui est politiquement difficile pour les Américains.»

En visite au Québec avec Ségolène Royal, Dominique Besnehard tient toutefois à relativiser ce manque d'empressement. «Ça arrive tout le temps», avance-t-il. En 2003 pourtant, Les invasions avait trouvé preneur à l'international pendant le festival de Cannes. Miramax avait acquis les droits pour les États-Unis pour 1,5 million US.

«Je ne suis pas inquiet, de toute façon. Je suis sûr que le film va marcher, mais il désoriente à cause de son côté un peu, pas triste, mais angoissé», estime Dominique Besnehard.

En France, la sortie imminente de L'âge des ténèbres n'a pas suscité de vagues, ni, pour l'instant, de grand intérêt médiatique. Seul le Nouvel Observateur a publié une critique... qui raillait le réalisateur, «un auteur claquemuré dans une rancoeur stérile».