Dans les bois, deux maisons se font face. Deux maisons, et deux clans ennemis, aussi paumés l'un que l'autre. D'un côté, Coralie, son beau-père, un ex-taulard qui squatte le fond du jardin. De l'autre, des truands tête brûlées, des putes russes. Derrière la caméra, Denis Côté. Le réalisateur des États nordiques et Nos vies privées le revendique: «Ce sont des loosers, mais je refuse d'en faire un mélodrame.»

Ce n'est pas parce que certaines situations sont désespérantes et réalistes que l'on ne peut pas les regarder avec une certaine distance, «un sourire en coin», croit Denis Côté. Son troisième long métrage, Elle veut le chaos, vient à peine d'être tourné. Et déjà, cette évidence: on joue ici sur la ligne entre comédie noire et rires jaunes.

«Le film et le contenu du film ressemblent à la façon dont je vois la vie: tu regardes la réalité, mais au lieu de te déprimer, tu prends du recul et tu regardes ça avec un sourire en coin. Le spectateur ne peut pas prendre ça au premier degré», annonce Denis Côté.

Elle veut le chaos est un film réaliste dans son esthétique (pas de chichis chez Denis Côté, que du vrai), dépouillé dans son approche technique (tourné en vidéo, en noir et blanc, en peu de plans, et presque sans gros plans). Une matière brute, et poétique.

«Je n'ai rien à raconter, je ne suis pas un bon conteur, j'ai pas de cause sociale dans mes films. La poésie, c'est facile à aller chercher avec des petites licornes dans les airs. Moi dans mon monde, ça sacre, mes références sont Réjeanne Padovani (de Denys Arcand) et Kaurismaki. C'est ancré dans la réalité, mais ils sont juste à côté de la vie», revendique Denis Côté.

Elle veut le chaos, donc, ne s'inscrit pas dans la veine des femmes vengeresses sorties de chez Tarantino. «C'est un titre qui peut légèrement porter à confusion. C'est le fun», s'amuse le spectateur. Elle veut le chaos est né au hasard d'une rencontre, celle de Denis Côté avec une chanson du chanteur français Christophe, Elle veut le chaos.

«Quand j'ai écouté cette chanson, je me suis dit que ça ferait un beau titre. Je pense que je n'avais même pas d'idée de film», estime Denis Côté. La chanson dit tout des envies d'une femme, mais a sacrément posé problème aux institutions à qui le réalisateur a soumis son film. «J'ai dû me battre pour montrer que c'est un miroir poétique», dit-il.

"Elle", c'est Coralie. La jeune femme vit dans une maison perdue dans les bois. Née des errances d'un soir de beuverie, Coralie est coincée dans ce nulle part (tourné à Contrecoeur) entre un beau-père qui ne fait rien et un ancien prisonnier. «Mon personnage est introspectif, c'est une femme de peu de mots», dit Ève Duranceau (Dans les villes).

La comédienne «aux yeux de Snoopy triste», dit Côté, a eu pour partenaires Nicolas Canuel, Laurent Lucas, Olivier Aubin, Normand Lévesque et Réjean Lefrançois choisis pour «un trip à la Claude Blanchard, ils sont facilement associables à des trucs quétaines comme du théâtre d'été, ou Virginie», selon Denis Côté. Tous, sans répétitions, souligne Ève Duranceau.

Pour ce troisième long, l'ancien critique cinéma du quotidien Ici a fait face à de nouveaux défis: ne pas tourner entre amis, respecter les règles syndicales de l'Union des artistes, entre autres. «Travailler avec du monde qui vient de la télé, ça m'a changé des trucs de punks entre amis. Mais d'être un réalisateur assis sur une chaise et se faire servir, c'est pas si mal», dit-il.

Denis Côté entame la post-production du film, qui sera soumis aux festivals internationaux. Son premier long, Les états nordiques, avait connu un beau parcours à travers le monde en 2005. Son plus récent film prendra l'affiche au Québec à l'automne 2008. D'ici là, Denis Côté travaille sur un nouveau scénario, Curling.