À première vue, L'orphelinat (El Orfanato en version originale espagnole) est une histoire classique de maison hantée. On y suit Laura, qui a grandi dans une immense maison recueillant des orphelins. Elle y a passé des années heureuses, a été adoptée et y revient, 30 ans plus tard, avec son mari et Simon, le petit garçon porteur du VIH qu'ils ont adopté.

Elle veut redonner vie au bâtiment laissé à l'abandon, y ouvrir une résidence pour enfants mentalement handicapés. Mais peu après leur arrivée dans l'imposante maison, son fils se fait un ami imaginaire qui n'est peut-être pas si imaginaire que cela. Laura imagine-t-elle, à son tour, cet enfant inquiétant portant un masque d'épouvantail? La tension monte, jusqu'à la disparition de Simon. Que sa mère ne peut accepter.

«À partir de là, est-on en présence d'une femme qui ne peut faire le deuil de son enfant et qui sombre dans la dépression morbide et la folie ou dans un récit classique de maison hantée. Il était intéressant, pour moi, de laisser le choix au spectateur, de lui laisser interpréter l'histoire selon ses goûts», indique Juan Antonio Bayona qui, le premier, a eu le coup de foudre pour le scénario que Sergio Sanchez.

Il l'a fait lire à Guillermo del Toro, avec qui il s'était lié d'amitié 14 ans plus tôt. «Il est extrêmement rare de tomber sur un scénario exceptionnel, remarque le réalisateur du Labyrinthe de Pan dans les notes de production de L'orphelinat. Un scénario peut montrer des étincelles de talent, mais il ne réclame à peu près jamais à grands cris d'être transformé en un film. J'ai immédiatement su en lisant celui-là que j'étais en présence d'une exception.» Deuxième coup de foudre.

Le troisième, selon la règle du jamais deux sans trois, a frappé la comédienne Belen Rueda. Star de la télévision espagnole que l'on a découverte en 2004 dans La mer intérieure d'Alejandro Amenabar, aux côtés de Javier Bardem. «C'était le soir et j'étais seule chez moi quand j'ai commencé à lire le scénario. J'ai été terrifiée. Mais, en même temps, captivée et fascinée par cette histoire profonde, surprenante, riche. À la dernière page, je savais que je voulais jouer dans ce film.»

Juan Antonio Bayona tenait à ce qu'elle soit de cette partie. «Belen a toujours été mon premier choix pour la rôle de Laura. C'est une formidable actrice et, en plus, la mettre au générique ajoutait à l'ambiguïté de l'intrigue: elle est une habituée des drames et n'a jamais touché au film d'horreur.»

Le labyrinthe des contes de fées

L'intention est déjà là: déséquilibrer le public. Et poursuivre en ce sens avec la scène d'ouverture de L'orphelinat. Dans un jardin bucolique planté au pied d'une imposante maison coloniale, des enfants jouent. Innocents et heureux. Un moment qui pourrait sembler anodin mais qui éclaire le sous-texte du scénario auquel le réalisateur a travaillé, pendant un an, avec Sergio Sanchez.

«Tout était là, mais j'avais besoin que les thèmes qui m'avaient appelé soient renforcés, fait Juan Antonio Bayona. Pour moi, L'orphelinat, comme Le labyrinthe de Pan de Guillermo, partagent cette idée que nous avons besoin des contes de fées pour comprendre la réalité.» Le labyrinthe emprunte ainsi les voies d'Alice au pays des merveilles. L'orphelinat, celles de Peter Pan. Les originaux, s'entend, pas les versions «disneyisées».

Or, qui dit Peter Pan, dit refus de quitter l'enfance. Pour Peter et les Enfants perdus. Wendy, elle, rentre chez elle. Grandit. Fondera sa propre famille. Mais qui peut affirmer qu'elle n'a jamais regretté ce choix? «Laura, c'est un peu Wendy, affirme ici le réalisateur. Son enfance a été à ce point heureuse, et nous le démontrons dans la première scène du film, qu'elle ne l'a jamais quittée. C'est pour cela qu'elle veut revenir à l'orphelinat.»

Retrouver cette enfance dont elle a si peur d'être séparée. Comme Simon, son fils, craint d'être séparé de sa mère par l'arrivée d'autres garçons et filles dans la maison. Comme Carlos, son mari, craint de perdre son épouse aux mains de quoi? La dépression? La folie? Des fantômes?

Arrivée, ici, de la grande Geraldine Chaplin. Juan Antonio Bayona tenait aussi à sa participation. «Elle a été mariée à Carlos Saura et elle a un lien très fort avec l'Espagne. Je me souviens qu'enfant, je la voyais dans les films de son mari où il y avait cette atmosphère angoissante; ils étaient pleins de métaphores puissantes. Il me la fallait pour interpréter Aurora, le médium que Laura invite à l'orphelinat pour découvrir ce qui a pu arriver à Simon.»

Aurora jouera-t-elle les Crochet ou les Clochette pour cette Wendy revisitée? Au spectateur, encore, de trancher. Juan Antonio Bayona, lui, ne dira rien de son interprétation du film. Belen Rueda, elle, osera: «J'ai des enfants et je comprends les choix que Laura va faire Même si je ne crois pas que ce soient les meilleurs.»

Mais disons que sur le plan cinéma, Bayona et elle ont indubitablement fait les bons.