Cela dépasse les prévisions les plus pessimistes. On savait à travers les branches que cet Astérix aux Jeux olympiques serait très mal accueilli par la critique française, pour cause d'esprit beauf. On ne savait pas que ce serait une exécution à la mitrailleuse lourde, du genre qui ne laisse pas de survivants.

Depuis mardi, tous les clignotants sont au rouge pour l'opus coréalisé par Frédéric Forrestier et Thomas Langmann, par ailleurs producteur de cette énorme machine à 78 millions d'euros (115 millions de dollars).

Les critiques de télé, traditionnellement indulgents pour les produits français, ne pouvaient s'empêcher de dire leur «déception» devant ce film «mal ficelé auquel on ne croit pas».

Sur le tableau de bord du cahier ciné-télé du Nouvel Observateur, qui paraît le jeudi et recense les critiques de 10 hebdos parisiens, ce nouvel Astérix récolte neuf as de pique (équivalent de zéro) et une fois un coeur (la note passable).

Sur le site Allo Ciné, la superproduction, sortie hier dans 1000 salles françaises et 5000 autres salles européennes, arrive en 48e position sur 49 films récents pour l'appréciation des critiques. Même le quotidien suisse Le Temps y va de son crachat et parle de film «ignoble».

Et, pour ajouter l'outrage à l'insulte, le principal quotidien populaire du pays, Le Parisien (500 000 exemplaires), a priori favorable aux films commerciaux et grand public, consacre deux pleines pages à cette sortie pharaonique, mais pour préciser que le film est «une marmelade tiédasse et sans idées».

La cause est entendue: le premier Astérix, réalisé en 1999 par Claude Zidi, avait été exécuté par la presse «de référence», mais traité avec indulgence par les médias populaires, qui y voyaient un honnête divertissement familial et un film pour les enfants.

Cette fois, Langmann, qui revendique le label «film qui s'adresse d'abord aux enfants», fait l'unanimité contre lui: d'un côté France-Soir, ultra commercial, parle d'un «ratage d'anthologie». Et Le Monde, qui essaie pourtant de rester poli, écrit: «La vacuité de cette gigantesque marmite finit par susciter un sentiment de malaise.»

Rousseau «n'est pas à la fête»

Une sorte de tsunami de boue qui, à la fin, emporte à peu près tout le monde dans le film: Benoît Poolvorde (dans le rôle de Brutus) réussit à surnager, de même qu'Alain Delon (César). Le Parisien leur accorde par exemple respectivement 9 et 8 sur 10. Tous les autres comédiens passent à la trappe: Clovis Cornillac (Astérix) a droit à 4, Franck Dubosc à 5, José Garcia à 3, Élie Semoun à 5. Stéphane Rousseau qui, de surcroît joue les jeunes premiers «sérieux», récolte un piètre 3.

«Le comique play-boy québécois n'est pas à la fête. Son personnage flirte parfois avec la niaiserie», écrit Le Parisien. «Ce rôle était pour Stéphane une formidable rampe de lancement, estime une spécialiste du cinéma. Avec de telles critiques, on ne sait plus.»

L'atmosphère de cette sortie n'est franchement pas euphorique. On apprend que sur le tournage (de six mois), les relations entre certains comédiens et Langmann ont été exécrables. Clovis Cornillac, dans une interview parue hier, refuse de dire un mot sur le film. Mais finit par lâcher: «Si on me dit que mon personnage d'Astérix est bidon, j'entends le message.»

Pour couronner le tout, Libération révèle que son critique a été interdit de projection de presse, tout comme ceux d'autres journaux «sérieux» (Le Canard et Les Inrockuptibles entre autres). Pour éviter les descentes en flammes. En vain.

Malgré cette réception pour le moins fraîche, la fatidique première séance du mercredi, à 14 h à Paris, donne de très bons chiffres de fréquentation: 6278 spectateurs pour 26 salles, à peine un tiers de moins que pour Mission Cléopâtre en 2002, un film salué par la critique.

Sur une telle pente, le film peut prétendre à 8 ou 10 millions d'entrées (contre 15 pour le précédent, un record historique). La tendance va-t-elle se maintenir malgré une critique aussi massivement hostile? Pour une fois ce n'est pas sûr.