Le New Yorkais Michel Gondry, le plus américain des cinéastes français, crée sa propre utopie dans Be Kind, Rewind où il met en scène une petite communauté idéale de voisins qui bricolent, avec humour et ingéniosité, de délirants remakes de films cultes.
   
Le cinquième long-métrage de Gondry - projeté hors compétition en clôture de la 58e Berlinale samedi - demeure fidèle au style poétique et loufoque de son auteur, spécialiste des effets spéciaux bricolés de façon artisanale.
   
Pour The Science of Sleep (2006) où le Mexicain Gaël Garcia Bernal campait un graphiste rêveur, amoureux de sa voisine de palier (la Française Charlotte Gainsbourg), il avait fabriqué une ville miniature avec des rouleaux de papier toilette collectés pendant trois ans.
   
Cette fois, il met en scène l'Américain Jack Black dans le rôle de Jerry, un mécanicien un peu timbré logé dans une caravane et son copain Mike, joué par Mos Def, un brave garçon employé par un vidéo-club de Passaic, une petite ville passablement délabrée du New Jersey.
   
Un jour, Jerry efface accidentellement toutes les K7 VHS de la boutique.
   
Pour éviter la faillite les deux compères se mettent alors à re-tourner un à un les titres du catalogue : GhostbustersThe Lion King, Rush Hour 2, Boogie Nights, Driving Miss Daisy... en mettant à contribution tout le quartier, dont une voisine jouée par Mia Farrow.
   
Pour ces films «suédés» - prétendument importés de Suède - Gondry recycle avec frénésie : les ailes d'une voiture abandonnée servent de jambes à Robocop, le bras de King Kong est une pelleteuse, les gangsters empoignent des pistolets à eau et une pizza placée derrière la tête d'un mort figure une mare de sang...
   
«On vous traite d'utopiste quand vous prétendez que la solidarité existe et que les gens peuvent créer quelque chose collectivement», a lancé Michel Gondry en anglais teinté d'un fort accent français, lors d'une conférence de presse.
   
«Les média, l'industrie du divertissement nous montrent des jeux télévisés où le plus méchant gagne et nous répètent que les êtres humains sont égoïstes», a poursuivi le cinéaste de 44 ans, l'air adolescent dans son pull vert.
   
«Moi je crois que s'ils ont l'opportunité de se montrer créatifs et de montrer leur travail à leur communauté, les gens peuvent inventer leur propre divertissement et y trouver du plaisir... peut-être qu'il me manque un truc dans le cerveau, mais pour moi c'est la réalité», a-t-il conclu.
   
Dans la séquence finale de Be Kind Rewind les voisins découvrent leur propre film, une biographie du pianiste Fats Waller.
   
«Ils ne jouent pas la comédie, ce sont des gens de Passaic qui ont vraiment tourné leur film : je les ai filmés en train de le découvrir sur l'écran».
   
Les héros bricoleurs de «Be Kind Rewind  sont des avatars de Gondry, qui veut «faire du cinéma comme quelqu'un qui n'aurait jamais vu aucun film».
   
«Je me sens encore comme un débutant, quand je tourne j'ai toujours l'impression que le résultat sera désastreux», a déclaré à Berlin l'auteur de Human Nature (2001) et d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) avec Kate Winslett et Jim Carrey, à ce jour son plus grand succès.
   
L'ex-étudiant en graphisme parisien, qui fut batteur du groupe de pop Oui Oui avant de réaliser les vidéo-clips de la chanteuse Björk et des spots publicitaires, vit aujourd'hui à New York avec son fils âgé de 16 ans.
   
Son prochain film, «l'histoire d'un rebelle et d'un dictateur», ils le tourneront ensemble, dit Michel Gondry, sourire aux lèvres.

«Je joue le rebelle et lui, le dictateur».