Jack Black n'a pas peur de jouer les personnages fantasques. Même si le ridicule tuait, lui, n'aurait pas peur de plonger dans ses eaux-là. À condition d'être en confiance. Rencontre avec un comique qui veut. Et qui peut.

«Il se donne tellement que même quand il est habillé, il est émotivement nu.» C'est ainsi que le réalisateur Michel Gondry parle de Jack Black - la deuxième star comique hollywoodienne qu'il est parvenu à entraîner, après Jim Carrey, dans son univers décalé où la première lecture n'est jamais la dernière.

La tête d'affiche de School of Rock et de Nacho Libre s'est, en fait, facilement laissé convaincre de jouer dans Be Kind Rewind, aux côtés de Mos Def. «Je pense que les acteurs me font confiance. Je leur écris des rôles pas trop cons», poursuit le cinéaste français qui a fait ses premiers pas à Hollywood avec Human Nature et que La Presse a rencontré en tout début d'année à Los Angeles.

«J'ai adoré Eternal Sunshine of the Spotless Mind et il a suffi que Michel me lance l'idée de son nouveau film pour que j'accepte l'invitation», raconte Jack Black, qui rigole à cette idée de nudité émotionnelle: «Vous savez, je ne fais rien que vous ne pourriez faire. Je suis simplement plus disposé que d'autres à m'embarrasser moi-même... parce que je veux faire rire plus que les autres», explique celui qui arborait alors cheveux blonds sur racines foncées - traces du tournage de Tropic Thunder dans lequel il partage la vedette avec Ben Stiller sous la direction de... Ben Stiller.

Une attitude prête à tout devant les caméras qui n'est pas celle qu'il adopte devant la presse. Sympathique, le comédien n'en demeure pas moins réservé. Assis bien droit sur sa chaise, les mains sur les cuisses, à la manière d'un élève sage. Portant le jean et le t-shirt, donc, sans arborer la décontraction qui va souvent de pair avec la tenue. «Que voulez-vous, j'ai besoin d'un réalisateur et d'un scénario pour être drôle! lance-t-il. Je doute beaucoup de moi et si je n'ai jamais fait de stand-up, ce n'est pas pour rien.»

Un scénario, un réalisateur. Et du travail. «Je suis un clown, je le sais, mais je veux être un clown crédible. Je travaille beaucoup et fort les motivations de mes personnages», assure-t-il. Même celles de ce type étrange, vaguement parano, qu'il incarne dans Be Kind Rewind. Jerry, il s'appelle. Il vit dans un taudis, tout près d'une centrale électrique. Travaille dans un club vidéo qui ne loue que du VHS et est installé à Passaic, au New Jersey, dans la maison où a autrefois vécu cette légende du jazz qu'est Fats Waller.

Une maison menacée: un promoteur a des projets pour le quartier. Sauf que, tels d'irréductibles Gaulois, Jerry et Mike, son compagnon de travail, tiennent le fort. Jusqu'à l'accident. Le cerveau du jeune homme est magnétisé (!). Et les bandes VHS qu'il a manipulées, elles, démagnétisées. Une solution pour satisfaire les clients: tourner les films à nouveau. À deux. Sans moyens. En faire des versions que le duo appelle sweded. Le sweding étant, selon eux, une façon «suédoise» de filmer. De recréer quelque chose à partir de rien, en utilisant du matériel et des techniques empruntés au quotidien.

C'est n'importe quoi, oui. Et c'est très drôle. Il faut voir, pour le croire, les versions swedées de Ghostbusters, Robocop, Rush Hour, 2001 L'odyssée de l'espace, King Kong «Nous étions sous l'interdiction formelle de revoir les films originaux avant le tournage», souligne Jack Black.

Michel Gondry avait donné la même consigne à toute l'équipe du film. «J'ai travaillé avec ce que ces longs métrages m'avaient laissé en mémoire et je voulais qu'il en aille de même pour tout le monde. Laisser travailler les souvenirs avec toutes les distorsions que cela suppose», explique le réalisateur.

Jack Black a «obéi»: «Michel est un réalisateur spontané et très créatif. Il m'est arrivé de lui dire d'accord alors que je ne savais absolument pas où on s'en allait.» On appelle ça la confiance aveugle!

Reste que le fait de ne pas avoir à revoir les films en voie de sweding lui a permis d'être moins occupé et de passer plus de temps avec son petit garçon, qui avait à peine 1 an au moment du tournage. Ce rôle-là, nouveau et à long terme, Jack Black l'adore. Et à cet enfant, s'il avait un jour à raconter ses débuts, c'est à l'époque de l'école secondaire qu'il remonterait: «Je voudrais lui parler de la peur et de la force qu'apporte la peur quand on l'a vaincue. Je participais à une pièce de théâtre et, le jour de la première, j'étais terrorisé. Je voulais tout annuler. Bien sûr, le soir venu, je suis monté sur scène. Et ça n'a pas bien été, ça a été géant.»

Quand il dit cela, Jack Black est si présent, si totalement là, que malgré les jeans et le t-shirt, il semble soudain «nu» devant la presse. Nu dans l'émotion du moment. Michel Gondry a bien vu.