Les frères Ethan et Joel Coen sont montés trois fois, hier, sur la scène du Kodak Theatre de Los Angeles pour y cueillir une statuette dorée. No Country for Old Men a donc remporté haut la main le duel qui l'opposait à There Will Blood.

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Le film des frères Coen a en effet remporté quatre Oscars, dont celui du meilleur film et de la meilleure réalisation, contre deux pour le long métrage de Paul Thomas Anderson, qui a quand même permis à Daniel Day-Lewis de remporter l'Oscar du meilleur acteur. La victoire de Marion Cotillard, pour son interprétation d'Édith Piaf dans La vie en rose, puis celle de Diablo Cody, pour le scénario original de Juno, le film Cendrillon de l'année, ont aussi offert des moments chargés d'émotion.

No Country for Old Men a marqué la 80e cérémonie des Oscars, hier, en enlevant quatre oscars, dont les trois plus importants: film, réalisation et scénario (adaptation). Javier Bardem a de son côté reçu l'Oscar du meilleur acteur dans un rôle de soutien. Si la soirée fut l'affaire des frères Ethan et Joel Coen, c'est pourtant une actrice française qui a causé le plus grand émoi au Kodak Theatre. Deux jours après avoir reçu le César à Paris, Marion Cotillard a en effet été sacrée meilleure actrice à Hollywood grâce à sa performance dans La vie en rose d'Olivier Dahan.

«C'est vrai qu'il y a des anges dans cette ville!» a déclaré, très émue, Marion Cotillard alors qu'elle recevait sa statuette dorée des mains de Forest Whitaker.

«Merci Olivier. Tu as changé ma vie! Je suis sans voix! Merci l'Académie, merci la vie, merci l'amour!» a lancé celle qui a fait revivre Édith Piaf à l'écran.

Marion Cotillard devient ainsi la première Française à obtenir l'Oscar de la meilleure actrice depuis Simone Signoret, qui avait obtenu le même honneur il y a 48 ans grâce à sa prestation dans Room at the Top de Jack Clayton. Surtout, Cotillard est la première dans toute l'histoire des Academy Awards à obtenir la précieuse statuette pour un rôle joué en français. À cet égard, sa victoire est historique. Elle avait bien raison d'en être émue.

Les frères Coen ont de leur côté connu une excellente soirée. Ils ont en effet emporté haut la main le match «sanglant» qui les opposaient à There Will Be Blood.

Javier Bardem a ainsi obtenu l'Oscar pour un rôle de soutien grâce à sa performance saisissante dans le rôle d'un psychopathe d'anthologie. «Je remercie les frères Coen d'avoir cru en moi et de m'avoir fait la plus horrible coupe de cheveux de l'histoire du cinéma!» a-t-il déclaré avant de s'adresser en espagnol à sa mère, son accompagnatrice.

De leur côté, Ethan et Joel Coen ont reçu un bon indice de la tournure des événements en décrochant tôt l'Oscar du meilleur scénario tiré d'une oeuvre déjà existante. «Nous ne nous sommes attaqués qu'à deux auteurs au cours de notre carrière, car nous sommes très sélectifs, a fait remarquer Joel Coen en acceptant la statuette dorée. Homère et Cormac McCarthy!» Les deux frangins devaient plus tard remonter sur scène pour aller chercher l'Oscar de la meilleure réalisation. No Country for Old Men a tout de suite après été sacré meilleur film de l'année.

Sauver l'honneur

There Will Be Blood a quand même sauvé l'honneur en se distinguant à deux occasions. Tel que prévu, Daniel Day-Lewis, lauréat en 1990 grâce à My Left Foot, a obtenu le deuxième Oscar de sa carrière grâce à son intense performance. L'acteur a évidemment rendu hommage au réalisateur Paul Thomas Anderson, de même qu'aux hommes de sa famille. «J'ai beaucoup eu l'occasion de penser aux relations père-fils à travers ce rôle, a-t-il déclaré. Je dédie ce trophée à mon grand-père, mon père, de même qu'à mes trois fils». La photographie de Robert Elswit a aussi valu une statuette au drame épique inspiré par Oil d'Upton Sinclair.

Diablo Cody a de son côté reçu l'Oscar - très convoité - du meilleur scénario original pour Juno. La scénariste a dédié son trophée aux scénaristes avant de remercier sa famille. «Qui m'aime comme je suis», a-t-elle précisé, au bord des larmes.

La toujours remarquable Tilda Swinton, égale à elle-même dans Michael Clayton, a par ailleurs confirmé la rumeur qui courait au cours des derniers jours de la campagne et a finalement obtenu l'Oscar de la meilleure actrice dans un rôle de soutien.

«Oh non! a-t-elle dit, visiblement surprise. Je donne cet Oscar à mon agent américain car sans lui, jamais je n'aurais monté dans un avion pour venir jouer un rôle ici.»

«Tony Gilroy, tu marches sur l'eau!» a-t-elle ajouté en évoquant le travail du réalisateur de Michael Clayton avant de rappeler à George Clooney son passé de Batman.

Malgré ses sept nominations, Atonement n'a finalement obtenu qu'un seul Oscar, soit celui de la meilleure musique originale (Dario Marianelli).

Plusieurs productions différentes se sont par ailleurs partagées les Oscars remis dans les catégories plus techniques. Les Oscars du montage, du son, et du montage sonore sont allés à l'équipe de The Bourne Ultimatum; celui de la direction artistique à Sweeney Todd; celui des costumes à Elizabeth - The Golden Age. La vie en rose a aussi été honoré dans la catégorie des meilleurs maquillages, et The Golden Compass dans celle des effets visuels.

Comme il fallait s'y attendre, le délicieux Ratatouille a été préféré à l'excellent Persepolis dans la catégorie du meilleur film d'animation. Le Mozart des pickpockets de Philippe Pollet-Villard, déjà lauréat d'un César vendredi, a réussi un doublé en mettant la main sur l'Oscar du meilleur court métrage. Peter and the Wolf a par ailleurs obtenu l'Oscar du meilleur court métrage d'animation, coiffant au poteau Madame Tutli-Putli, un film produit par l'Office national du film.

Finalement, Taxi to the Dark Side, réalisé par Alex Gibney, a été honoré dans la catégorie documentaire; et l'Oscar du meilleur film en langue étrangère est allé au film autrichien Les faussaires de Stefan Ruzowitsky (à l'affiche à Montréal depuis vendredi).

En bonne forme

Animée par Jon Stewart, qui s'acquittait de cette tâche pour une seconde fois, la soirée a commencé avec un monologue assez mordant de la part de l'animateur. Il a évoqué d'entrée de jeu le long conflit qui a opposé les scénaristes aux producteurs avant de mêler cinéma et satire politique. Away From Her, «un film dans lequel une femme en vient à oublier son mari», est ainsi devenu le feel good movie de l'année pour Hillary Clinton! Saluant par ailleurs le passé de «danseuse exotique» de Diablo Cody, Stewart n'a pas manqué de relever la présumée baisse de revenus liée à la nouvelle vocation de la scénariste de Juno...

Pour souligner le 80e anniversaire des Academy Awards, la soirée fut ponctuée d'extraits des cérémonies du passé que commentaient aujourd'hui les mêmes protagonistes. Du côté des performances musicales, la bande d'August Rush s'est distinguée avec un numéro gospel. Le duo de Once, formé de Glen Hansard et Marketa Irglova, nous a aussi donné droit à un joli moment en interprétant Falling Slowly, la chanson lauréate.

Les gagnants de la soirée

Meilleur film :
No Country for Old Men
Meilleure réalisation : Joel Coen et Ethan Coen, No Country for Old Men
Meilleur acteur : Daniel Day-Lewis, There WIll Be Blood
Meilleure actrice: Marion Cotillard, La vie en rose
Meilleure actrice de soutien: Tilda Swinton, Michael Clayton
Meilleur acteur de soutien: Javier Bardem, No Country for Old Men
Meilleur scénario original : Juno (Diablo Cody)
Meilleur scénario adapté: No Country for Old Men (Joel Coen et  Ethan Coen)
Meilleur film en langue étrangère: The Counterfeiters
Meilleure chanson: Falling Slowly (Glen Hansard and Marketa Irglova)
Meilleure musique: Atonement (Dario Marianelli)
Meilleure photographie: There Will Be Blood (Robert Elswit)
Meilleur montage: The Bourne Ultimatum (Christopher Rouse)
Meilleur son:The Bourne Ultimatum (Karen Baker Landers et Per Hallberg)
Meilleur mixage sonore: The Bourne Ultimatum (Scott Millan, David Parker et Kirk Francis)
Meilleur court métrage d'animation: Peter & the Wolf
Meilleur court métrage: Le Mozart des pickpockets
Meilleur court métrage documentaire: Freeheld
Meilleur documentaire : Taxi to the Dark Side
Meilleure direction artistique: Sweeney Todd: the Demon Barber of Fleet Street  (Dante Ferretti et Francesca Lo Schiavo)
Meilleurs effets visuels: The Golden Compass (Michael Fink, Bill Westenhofer, Ben Morris et Trevor Wood)
Meilleur maquillage: La vie en rose (Didier Lavergne et Jan Archibald)
Meilleur film d'animation: Ratatouille
Meilleurs costumes: Elizabeth: The Golden Age (Alexandra Byrne)