C'est fou toutes les infos pratiques (ironie, ironie!) que la sortie d'un film policier comme Street Kings (Les rois de la rue, en version française) nous permet de récolter. Par exemple, saviez-vous qu'il faut quatre minutes pour qu'un individu criblé de balles se vide complètement de son sang?

Saviez-vous qu'il ne faut jamais garder l'index sur la détente lorsque l'on défonce une porte à la recherche d'un filou? Il faut plutôt le laisser sur le côté de l'arme, question d'éviter un tir inopportun. Ces trucs, avouons-le, ne nous serviront probablement, euh, jamais.

Devant un parterre de journalistes - en majorité américains -, le policier Rick Lopez, qui a «servi» les citoyens de Los Angeles pendant 30 ans, a poursuivi sa démonstration en nous montrant comment recharger un revolver sans arrêter de marcher. Toujours bon à savoir.

Vraiment, la scène était surréelle. Et les questions des journalistes, très perturbantes. «Ai-je le droit d'abattre un voleur qui entre chez moi?» a demandé une reporter de Detroit. «Où dois-je viser?» a-t-elle enchaîné. Le flic Rick Lopez, qui a entraîné Keanu Reeves pour son rôle dans Street Kings, s'est ensuite félicité: 23% des balles tirées par le LAPD atteignent leur cible, le plus haut taux de réussite au pays, la moyenne nationale se chiffrant à 17%. Un seul mot: ayoye.

Mais revenons à Street Kings, un film noir, confus et violent tourné dans les quartiers chauds du sud de Los Angeles. Il met en vedette une imposante brochette d'acteurs, dont Keanu Reeves, Forest Whitaker, Hugh Laurie (Dr House), Chris Evans (Fantastic Four), Jay Mohr, John Corbett (Aidan dans Sex and the City), Cedric The Entertainer, de même que les rappeurs The Game et Common.

L'histoire? Celle de Tom Ludlow (Keanu Reeves), un détective torturé, un brin alcoolo, dont la femme vient de mourir. Le jour où son partenaire de patrouille périt dans une fusillade, le ténébreux Ludlow, sur la piste des coupables, se frottera à une culture où les policiers n'hésitent pas une seconde à tordre la vérité pour se protéger entre eux.

Ses créateurs s'en défendent bien, mais Street Kings rappelle le célèbre scandale «Rampart», qui a secoué la police de Los Angeles à la fin des années 90: flics corrompus, fausses preuves, meurtre gratuit d'un membre de gang de rue latino. Vous voyez le portrait. Parenthèse: l'excellente série The Shield s'articule autour de la même histoire.

Le scénario original de Street Kings a cependant été imaginé par James Ellroy, capable du meilleur au cinéma (LA Confidential) comme du pire (The Black Dahlia). Au départ, il s'agissait d'un film d'époque, mais le réalisateur, David Ayer, a préféré l'actualiser. Facile à comprendre: Ayer a grandi à South Central et a bien failli y laisser sa peau. «J'étais le seul Blanc du quartier. Je me suis finalement enrôlé dans l'armée pour me sortir de la rue et ne pas me faire descendre. C'était les années 80 et beaucoup de gens mouraient», a confié Ayer, dont c'est la première réalisation. Il a aussi signé le scénario de Training Day, qui a valu un Oscar d'interprétation à Denzel Washington.

En entrevue, la star du film, Keanu Reeves, a été égal à lui-même, c'est-à-dire un peu terne, ponctuant chacune de ses réponses de longs soupirs. Visiblement, il aurait préféré conduire un autobus avec Sandra Bullock. Ou se cacher derrière ses verres fumés de La matrice.

«J'ai maintenant beaucoup plus de respect pour le métier de policier. J'ai compris que peu importe les faits, ce sont les apparences qui comptent. Et que le sang ne lave pas le sang», note Keanu Reeves, qui a pris des cours de maniement d'armes pendant neuf jours pour être crédible dans la peau de Tom Ludlow.

«Moi, j'ai toujours été pro-police», lance le comique Jay Mohr, qui incarne le sergent Mike Clady, membre de la même escouade que Ludlow.

Le capitaine de la division, Jack Wander, joué par Forest Whitaker, se débattra aussi entre ses principes moraux et ceux découlant du métier de policier. «Jack est le grand patron, avec son propre code d'honneur, prêt à tout pour protéger la famille qu'il a recréée», indique Forest Whitaker, récemment oscarisé pour The Last King of Scotland.

Et vous doutez-vous de la fin du film? Trois mots pour vous: bain de sang. L'omerta nous empêche cependant d'en révéler davantage.

Visite dans le ghetto

Question de saisir le côté sombre de Los Angeles, là où Paris Hilton et ses acolytes ne posent jamais leurs sandales à 500 balles, les comédiens de Street Kings ont patrouillé les dangereuses rues de South Central avec de vrais policiers du LAPD.

«J'avais besoin de voir le ghetto et son âme. C'est un film qui se déroule dans la rue», confie Common, un rappeur engagé dans diverses causes sociales et papa d'une fillette de 10 ans.

«Sérieusement, c'était intimidant. Je sentais quasiment qu'il m'aurait fallu un fusil», blague Chris Evans, un des «bons» policiers du film.

David Ayer, qui a été élevé dans les coins les plus durs de Los Angeles, a rappelé à ses acteurs que les habitants de South Central considèrent leur «cour avant» comme une pièce supplémentaire de leur maison. Donc, on n'y pose pas les pieds sans demander la permission. «C'était un plateau ouvert. Les gens du quartier arrivaient, partaient. On en voit plusieurs dans le film», explique le réalisateur.

«Moi, j'ai dit au réalisateur que c'était risqué, qu'on allait faire deux ou trois prises avant que quelqu'un ne vole les caméras», rigole Cedric The Entertainer, qui campe Scribble, un membre de gang de rue.

Pendant le tournage de Street Kings, qui s'est déroulé dans le quartier Lincoln Heights, à 80% latino, il y a même eu une vraie fusillade. Heureusement, personne du film n'a été blessé.

Seul Forest Whitaker a refusé le tour guidé du ghetto. «Je n'avais pas besoin de visiter South Central. Je me suis beaucoup battu dans ma vie. Et j'ai étudié les arts martiaux», glisse l'acteur.