Ils sont jeunes et croient que leur appartenance aux différentes communautés ethniques bosniaques n'est qu'une richesse. Rassemblés par l'Oscarisé Danis Tanovic, ils lancent une lutte politique contre les nationalistes et les craintes qu'ils fabriquent pour se maintenir au pouvoir.

En Bosnie, on parle du «Parti de Danis», metteur en scène issu d'une famille musulmane, mais qui se déclare simplement Bosniaque, et qui a quitté son pays pendant le conflit intercommunautaire de 1992-95 pour aller vivre en Belgique et en France.

En 2002, c'est à la Bosnie qu'il dédie l'Oscar du meilleur film étranger obtenu pour son No man's land, illustration justement de l'absurdité du conflit bosniaque.

«Nous nous adressons aux optimistes, à ceux qui sont prêts à faire des concessions, aux gens de toutes nationalités et religions, aux athées», explique Bojan Bajic, président de Notre Parti (Nasa stranka), fondée début avril à Sarajevo sous la houlette de Tanovic.

À 30 ans, Bojan, un Serbe originaire de Rudo, dans l'est de la Bosnie, s'est fait connaître après la guerre par son travail courageux visant à réconcilier Serbes et Musulmans.

Lors de son élection à la tête de Notre Parti, ce père de trois enfants a quitté une association locale de jeunes qu'il a dirigée pendant huit ans, et s'est mis à parcourir la Bosnie pour créer des cellules du parti.

Selon lui, la formation compte déjà quelque 3000 adhérents, aussi bien dans Republika Srpska (RS, Serbes) que dans la Fédération croato-musulmane, entités qui composent la Bosnie depuis la fin de la guerre.

«Mais notre engagement sera plutôt un marathon qu'un sprint», admet Bojan.

Actuellement en tournage d'un film en Espagne et en Irlande, avec notamment l'acteur irlandais Colin Farrell, Tanovic, 39 ans, est rentré fin 2007 vivre à Sarajevo avec son épouse belge et leurs quatre enfants.

«J'ai vite compris qu'on ne vivait pas une vie normale ici», a-t-il déclaré récemment. «Je ne peux pas accepter que les petits soient séparés dans des jardins d'enfants sur la base de l'appartenance religieuse (...) que des gens offrent leurs reins pour subvenir aux besoins de leur famille, que des policiers fuient les lieux du crime», a-t-il déploré.

Les partis nationalistes ont été à l'origine du «chaos» durant la guerre et ils le perpétuent actuellement, dénonce M. Tanovic.

«Ils préparent déjà des stratégies de la peur d'autrui, dans le but de remporter les élections municipales» prévues à l'automne, assure de son côté Boris Divkovic, 26 ans, un Croate de Tuzla, le vice-président du parti.

Ce journaliste diplômé de la faculté de théologie des franciscains à Sarajevo, explique que Notre Parti souhaite donner la priorité à l'«intérêt commun» et au «citoyen», au-delà de l'appartenance ethnique.

«Cela ne veut pas dire nier les identités. Nous voulons, au contraire, affirmer leurs côtés positifs pour qu'elles ne soient plus perçues comme une menace, mais comme une richesse», fait-il valoir.

Sur les 3,8 millions d'habitants de Bosnie, environ 40% sont musulmans, 31% Serbes orthodoxes, et 10% Croates catholiques.

«La seule motivation du nouveau parti est de faire des changements positifs et de mener une politique pour le bien de tous», estime l'analyste politique Ivan Lovrenovic.

Le parti de l'unique Oscar bosniaque compte faire la différence en convaincant notamment ceux qui, lassés, ne votent plus et qui représentent environ 50% des électeurs.

«Nous devons leur donner une chance. Je veux croire que Tanovic n'a pas décidé de faire de la politique comme les autres, pour gagner de l'argent», dit une jeune juriste, Anela Saracevic.