«Le titre est un peu déroutant», concède d'emblée Grégoire Colin, de passage à Fantasia pour présenter Le tueur, polar français de Cédric Anger où il tient la vedette, avec Gilbert Melki. Polar? Pas tout à fait: «Le film joue avec les codes connus du polar, dit l'acteur. Il fonctionne sur la base d'un thriller, somme toute assez simple, avant d'en arriver au suspense psychologique et au drame humain.» Drame en forme de fable: à nous d'y trouver la morale, si morale il y a.

Dimitri, le tueur donc (Colin) est chargé par d'obscurs financiers d'élimine sans laisser de trace un businessman prospère (Malki) et très enviés de ses rivaux. Se doutant de la manigance, l'homme d'affaires propose à l'assassin cet étrange marché: un sursis de sept jours, soit le temps qu'il lui faudra pour accomplir un ultime gros coup à la Bourse afin de laisser un généreux héritage à sa fille. Marché conclu. Dimitri ne sait pas du tout dans quel plat il vient de mettre les pieds

Avec son air blasé, sa dégaine nonchalante et son froc de cuir, le personnage titre, interprété par Colin, n'a pas tant le profil d'un tueur à gages que celui d'un voyou que la vie a projeté trop tôt dans le monde interlope. «Il est jeune et déjà fatigué, explique Colin. Il est comme un travailleur qui en a marre de la routine et qui voudrait prendre sa retraite. C'est un vrai professionnel, il ne peut pas se permettre les excès de violence. Mais il se sent abattu par tous ces cadavres qu'il a laissés derrière lui.»

Selon la volonté du réalisateur et scénariste Anger, on n'en saura que très peu sur le passé de Dimitri, sur ce qui l'a conduit sur les sentiers du crime, tout ou presque étant laissé à l'imagination du spectateur: «On devine, sans que rien ne soit montré, qu'il a grandi loin de toute morale, qu'il ne s'est peut-être jamais posé la question du bien et du mal. Il est profondément seul, coupé du monde, sans famille et sans amis. À travers ses longs moments d'errance et de repérage, attendant l'heure venue, on sent qu'il observe le monde comme dernière une vitre et qu'au fond, il aimerait bien rejoindre la société des hommes. Ça n'est pas dit mais j'ai voulu que ce soit possible, que ce soit crédible.» La rencontre inattendue avec cet homme d'affaires, auquel il s'attache obscurément mais qu'il devra pourtant abattre, ajoutera à cette ébauche de remise en questions.

Le tueur est le premier long métrage signé Cédric Anger, une aventure forcément parsemée de petites embûches compte tenu, surtout, des enjeux financiers, mais une aventure heureuse. Colin l'admet: «C'est toujours plus compliqué de travailler pour un premier film. Mais comme j'étais choisi dès le départ, j'ai pu lire et retravailler toutes les versions du scénario, retoucher les scènes et les dialogues. Aussi, les choses se sont faites naturellement, j'ai eu droit à toute la liberté que je souhaitais. Il y a des réalisateurs d'expérience qui sont refermés sur leur méthode et qui se sont un peu sclérosés.»

S'il n'est pas immensément connu chez nous, Grégoire Colin, issu d'une famille d'acteurs et qui a grimpé sur les planches dès l'âge de 12 ans avant de faire rapidement le saut vers le cinéma (on l'a vu dans La vie rêvée des anges, Sade, Voleurs de chevaux, Sex is a Comedy) est décrit ici et là dans la presse française comme «une star montante», ce qui l'amuse plus que ne le flatte: «Ça fait 20 ans que je fais ce métier, je ne me sens pas comme un jeune espoir. Je n'ai pas de plan de carrière, le vedettariat m'importe peu, l'important, ce sont les rencontres, c'est de bien faire mon travail pour le réalisateur et m'assurer que le spectateur passe un bon moment. Je n'ai pas de hautes ambitions. Si ça continue comme ça, ça me va.»