Dans Ce qu'il faut pour vivre, Benoît Pilon parle d'isolement, de tradition, mais aussi de rapprochement entre les cultures. Après ses documentaires Roger Toupin, épicier variété, Nestor et les oubliés ou encore Des nouvelles du Nord Benoît Pilon porte au grand écran, pour son premier long métrage de fiction, un scénario de Bernard Émond.

«C'est un cadeau pour moi: que l'on m'offre ce scénario, qui est en même temps tellement proche de moi, dit Benoît Pilon. Quand j'ai lu le scénario, je me suis senti très proche de Bernard Émond (le réalisateur de La neuvaine). J'aurais voulu l'avoir écrit.»

Bernard Émond, anthropologue de formation, a écrit Ce qu'il faut pour vivre à la fin des années 80, au moment où il suivait une formation vidéo dans le Nord. Un même souvenir revient souvent chez ceux qu'il rencontre: l'épidémie de tuberculose qui a touché le Québec et le Nord, aux alentours des années 50.

Ceux qui, parmi les Inuits, souffraient de la maladie, étaient envoyés vers des sanatoriums «dans le Sud». «La réalité du déplacement des Inuits se faisait de façon abrupte. Ils devaient partir tout de suite, sans pouvoir retourner chez eux, raconte Benoît Pilon. Historiquement, les Inuits n'étaient pas complètement isolés dans les sanatoriums, ils étaient en petits groupes.»

Dans Ce qu'il faut pour vivre, c'est pourtant seul qu'arrive Tivii (Natar Ungalaaq) dans un sanatorium de la région de Québec. Entre l'étendue majestueuse de l'île de Baffin et l'exiguïté du dortoir du sanatorium, Tivii vit un déracinement majeur et se laisse dépérir.

Le film suit ce contraste des lieux: dans ses rêves, Tivii voit les étendues enneigées de son coin de pays. «Le paysage a une valeur symbolique. Je voulais lui donner un traitement plus poétique, plus évocateur», dit Benoît Pilon. Le souffle vital sera finalement rendu à Tivii par le jeune Kaki, un enfant inuit lui aussi soigné au sanatorium.

«C'est un élément très fort. La transmission de la culture ramène Tivii à la vie. C'est un élément qui m'a beaucoup plu. À partir du moment où Tivii peut communiquer, il retrouve une fierté. Au bout du compte, il finit par il y avoir un échange entre deux cultures», dit Benoît Pilon.

Les rencontres et drames humains que vivent les personnages de Ce qu'il faut pour vivre ont pour toile de fond le contexte religieusement sombre du Québec des années 50. Sans manichéisme pourtant, le réalisateur ne souhaitant pas désigner coupables et victimes dans l'histoire de Tivii, une histoire avant tout humaine.

«Très souvent, quand on parle des autochtones, on reçoit cette culpabilité-là: il y a un côté manichéen, dit-il. Ici, l'étranger est perçu comme une menace, mais à un moment donné, il y a aussi le partage entre plusieurs hommes, il y a aussi la volonté d'aller l'un vers l'autre.»

À l'inverse, dans les rencontres de Tivii avec ses compagnons d'infortune, avec une jeune infirmière (Evelyne Gélinas) ou avec un prêtre missionnaire (Vincent-Guillaume Otis) le réalisateur a souhaité éviter toute «mièvrerie». «Il ne fallait pas tomber dans l'excès inverse.»

Pour raconter l'histoire de Tivii, Benoît Pilon a tout de suite pensé à Natar Ungalaaq, révélé dans Atanarjuat. «J'avais besoin d'un homme à qui l'on s'attache tout de suite. Il faut qu'on ait envie que cet homme-là vive. Il m'avait renversé dans Atanarjuat, et en plus, j'ai été soufflé par le talent de cet homme-là, sa grande connaissance technique.»

Face à Natar Ungalaaq, Benoît Pilon a misé sur un jeune comédien non professionnel, Paul-André Brodeur, rencontré par hasard à Iqaluit. Né de mère inuite et de père québécois, le jeune garçon a appris l'inuktitut avec sa mère, puis en s'entraînant avec Natar Ungalaaq. «Ça a été génial de sa part», dit Benoît Pilon.

Ce qu'il faut pour vivre est un film avec lequel Benoît Pilon veut «rêver». «Je suis très fier de ce film. C'est une histoire profondément humaine. Il faut que le bouche à oreille se fasse et que le film reste longtemps à l'affiche.»

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Ce qu'il faut pour vivre sera présenté lundi en compétition officielle au FFM, Le film prend l'affiche le 29 août.