Dans le premier film de Philippe Claudel, Kristin Scott Thomas prête ses traits à une femme qui reprend contact avec ses proches après avoir purgé une peine de prison. Du coup, une nouvelle proximité s'est installée entre elle et le public.

Elle a un côté un peu insaisissable. Très classe, Kristin Scott Thomas ne fait pas partie de ces actrices qui tiennent à mettre à l'avant leur propre personnalité, pas plus qu'elle ne compte livrer en pâture au public ses moindres états d'âme. Elle préfère plutôt la discrétion.

Riche d'une filmographie éclectique qui l'amène autant à Hollywood (The Horse Whisperer, Random Hearts) qu'en Angleterre (The English Patient); et autant en France (Ne le dis à personne) que parfois même au Québec (Le confessionnal de Robert Lepage), l'actrice anglaise, parisienne de coeur, carbure aux rencontres avec les metteurs en scène.

«C'est ce qui détermine mes choix, expliquait-elle hier au cours d'une entrevue accordée à La Presse. Si la vision que me propose un cinéaste m'inspire, je me mets à son service sans aucun problème, peu importe l'importance du rôle.»

Lorsque l'écrivain Philippe Claudel l'a rencontrée pour lui parler d'Il y a longtemps que je t'aime, un film dont il assure aussi la réalisation, Kristin Scott Thomas avoue avoir été un peu étonnée par la manière avec laquelle on lui a décrit le rôle.

«Il a commencé par me dire que je ne serais pas belle dans ce film. Cela m'a surprise. Il est bien évident qu'une femme qui vient de passer 15 ans en prison, qui est encore dans un état traumatique, ne peut pas afficher la beauté des stars hollywoodiennes. Cela ne serait pas crédible. Or, Philippe a quand même senti le besoin de préciser cela d'emblée, pensant probablement qu'une actrice veut forcément toujours se voir belle à l'écran. Bien sûr, il y a un côté narcissique dans l'exercice de notre métier. Mais ce narcissisme peut aussi s'exprimer autrement qu'à travers la beauté esthétique d'une simple image. Quand le rôle est beau, c'est tout ce qui compte.»

Accorder sa confiance à un cinéaste qui tourne son premier film ne fut par ailleurs pas du tout difficile, d'autant plus que l'actrice appréciait déjà l'univers de l'auteur à travers sa littérature.

«Philippe a su trouver ses repères très vite. Le tournage s'est très bien déroulé.»

Sans vertige, l'actrice s'est ainsi glissée dans la peau d'une femme meurtrie, qui tente de rétablir progressivement des liens avec le monde extérieur, notamment en allant vivre chez sa soeur (Elsa Zylberstein).

«Je ne suis pas du genre à me laisser envahir par un rôle, précise Kristin Scott Thomas. En revanche, j'adore m'effacer derrière un personnage. Pour ce film, j'ai quand même dû m'imprégner de la douleur intérieure de cette femme. Mais je décroche très facilement dès que la scène est tournée.»

Ce faisant, l'actrice a vécu un phénomène dont elle n'avait jamais fait l'expérience auparavant. Sorti en France depuis quelques mois, Il y a longtemps que je t'aime lui a valu une nouvelle reconnaissance, à tout le moins, une notoriété différente.

«Des gens m'arrêtent dans la rue pour me parler de leurs expériences de vie, explique-t-elle. J'ai aussi reçu plein de lettres, plein de courriels de personnes qui tenaient à témoigner. Cela m'a énormément touchée. Beaucoup de spectateurs se sont identifiés au film.»

Mélange de genres

L'actrice était de passage au Festival de Toronto pour accompagner deux films qui ne pourraient être plus différents l'un de l'autre. Kristin Scott Thomas est aussi à l'affiche de Easy Virtue, une franche comédie adaptée d'une pièce de Noel Coward, et réalisée par l'Australien Stephan Elliott (Priscilla, Queen of the Desert). Elle y campe une aristocrate britannique acariâtre. «J'adore mélanger les styles, mélanger les univers, mélanger les langues. J'essaie de maintenir un équilibre entre les films anglo-saxons et les films français.»

Ayant beaucoup tourné ces derniers mois, Kristin Scott Thomas prend une petite pause de cinéma pour se consacrer au théâtre. Dès la semaine prochaine, elle montera sur les planches du Walter Kerr Theatre à Broadway pour reprendre le rôle d'Arkadina dans La mouette de Tchekhov, qui lui a notamment déjà valu un trophée Olivier à Londres. «J'aime l'aspect très physique du théâtre, confie-t-elle. Le théâtre est revenu dans ma vie il y a peut-être six ou sept ans. Je pourrais maintenant difficilement m'en passer.»