Le tournage du film de Sylvain Guy se déroule en grande partie à Moncton et Shediac, au Nouveau-Brunswick. La Presse a visité le plateau, en début de semaine. 

En pleine campagne électorale fédérale et avec les compressions en culture, Luc Picard aimerait bien être au Québec. Pour vivre le tout de près. Pour pouvoir participer à diverses activités pro-culture. Bref, pour avoir le nez dedans. 

Si on ne l'a pas vu manifester ou unir sa voix à celles des artistes du site www.unissonsnosvoix.ca, c'est qu'il travaille au Nouveau-Brunswick depuis quelques semaines. Le tournage de Léo Huff, premier long métrage de Sylvain Guy, monopolise presque tout son temps, lui qui en est la vedette principale. «C'est bizarre d'être loin de chez soi lors d'une campagne électorale, alors qu'il se passe toutes sortes de choses», dit l'acteur. 

Au moins, pendant que les chefs fédéraux serrent des mains d'un océan à l'autre, Luc Picard découvre son «Rest of Canada» ! «C'est la première fois que je vais ailleurs au pays pour un tournage. Je me suis promené pas mal pour le travail, mais pas dans le ROC!» 

Il y a pire que le bord de l'eau de Shediac, à 15 minutes de Moncton, pour jouer! En ce matin de 22e journée de tournage, le ciel est gorgé de nuages, mais de rares rayons du soleil réussissent quand même à faire briller les voiliers de la marina de Shediac. L'équipe de tournage est installée, tout près, à l'intérieur du Centre d'interprétation de la baie de cette petite ville de 5000 habitants, reconverti pour l'occasion en salle du conseil municipal. 

La pièce est bondée de comédiens, figurants et techniciens. Dans son complet-veston de Léo Huff, Luc Picard, la voix chevrotante, tourne une scène dans laquelle il présente un projet impopulaire de parc aquatique qu'on espère construire au Bic, dans le Bas-Saint-Laurent. Entre chaque scène, on ouvre la porte pour rafraîchir les lieux. «Léo Huff n'est pas orateur, mentionne Picard. C'est un personnage «loser», «drabe», un mort-vivant au début du film, mais qui va s'ouvrir.» 

«Léo rêvait de devenir pianiste, mais est devenu secrétaire, poursuit Sylvain Guy. Il a préféré une vie plus sûre.» 

Le passage de Léo au Bic (où se déroule l'histoire, même si elle est en grande partie tournée au Nouveau-Brunswick) va changer sa vie pour le meilleur et pour le pire. Il y tombera, en effet, éperdument amoureux d'une femme en détresse prénommée Lou (Isabelle Guérard), également le grand amour d'un homme très jaloux (Guillaume Lemay-Thivierge). 

Un film noir
Histoire d'amour? Sous la plume du scénariste et réalisateur Sylvain Guy, un fan des romans de Jim Thompson, Léo Huff est rapidement devenu un film noir. «J'ai tourné des scènes «gore», morbides et violentes, dit Picard. J'ai notamment passé deux jours pendu par les pieds dans un sous-sol!» 

«Léo Huff raconte l'histoire d'un type qui perd son âme en pensant la sauver, explique Sylvain Guy (scénariste de Liste noire). Le personnage va s'enfoncer. En principe, un film noir, ça ne se termine pas bien...» 

Même les films noirs classiques, qu'adore particulièrement Sylvain Guy. «Au Québec, ça ne fait pas si longtemps qu'on fait des films de genre. Là, j'ai l'impression qu'on veut tout essayer, estime le réalisateur. Avec Léo Huff, je tente de faire quelque chose de québécois, mais avec une portée plus large. Ce film a une facture classique. Ce n'est pas une diarrhée de plans. Visuellement, c'est très contrasté.» 

Pourquoi tourner au Nouveau-Brunswick ce film, doté d'un budget de 3,9 millions, ce film dont l'action se déroule ici? «C'aurait effectivement été plus simple de faire tout au Québec, concède le réalisateur. Mais on aurait alors tourné près de Montréal et on serait retourné chaque soir chacun chez soi, alors que j'aime que les gens de l'équipe soient captifs, qu'ils restent tous ensemble pendant le tournage.» 

Son passage à Shediac enchante Sylvain Guy, même si la production aurait pu être retardée lors du passage appréhendé de l'ouragan Kyle dans le coin, dimanche dernier. Finalement, il y a eu plus de peur que de mal. «J'espérais de gros vents, avoue Luc Picard. Il n'y en a jamais eu! J'étais dehors et j'attendais l'ouragan comme un petit cul qui attend une tempête de neige!» 

Rien pour entraver le calme de ce coin du Nouveau-Brunswick! «Ici, c'est apaisant, reposant, on respire bien», résume Isabelle Guérard (La rage de l'ange, Destinée).
«J'ai été béni. Les lieux de tournage sont hallucinants», ajoute Sylvain Guy.
Il reste encore à l'équipe une semaine de travail au paradis! Le tournage de 30 jours, qui a débuté à la fin août, se termine le 10 octobre. Juste à temps pour que Luc Picard puisse se rendre aux urnes, chez lui, au Québec...