Fini les diadèmes incrustés de diamants, les royaumes enchantés et les tenues griffées Prada pour Anne Hathaway. Dans le bouleversant film Rachel Getting Married, de Jonathan Demme, l'actrice américaine de 25 ans se glisse dans les vêtements défraîchis de Kym, une ex-junkie qui débarque au mariage de sa soeur aînée Rachel (étonnante Rosemarie DeWitt) après neuf mois de cure de désintox. Querelles à prévoir. Et peut-être un Oscar, qui sait?

Anne Hathaway a longtemps joué les jolies princesses dans des films rose bonbon comme Ella Enchanted et The Princess Diairies. Elle a aussi taquiné la comédie romantique (The Devil Wears Prada) et la bluette d'action comique (Get Smart). Après une courte apparition dans Brokeback Mountain, l'actrice mord enfin dans un costaud rôle dramatique, soit celui d'une toxicomane bourrue, qui fume comme un pompier, arbore plusieurs tatouages et sacre comme une bûcheronne. Voici Kym, élevée dans une famille bourgeoise du Connecticut dans l'ombre de sa soeur aînée, Rachel-la-plus-que-parfaite.

«J'ai lu énormément de mémoires écrits par des toxicomanes en rémission. J'ai consulté des forums de discussion sur les dépendances. Et je connais personnellement beaucoup de gens qui ont suivi des cures de désintox. Alors, je n'étais pas du tout nerveuse avant le tournage», confie Anne Hathaway, un sourire éclatant accroché au visage.

Grande et élancée, la comédienne américaine a pris quelques kilos, stoppé son entraînement et recommencé à griller des cigarettes pour incarner sa Kym-la-paumée. «Pendant le film, j'ai tellement fumé que j'ai eu beaucoup de difficulté à arrêter après», se souvient l'actrice. Dans les collines de Hollywood, la rumeur veut que sa surprenante et convaincante performance lui vaudra une première sélection aux Oscars. Réaction?

Caméra nerveuse

«Mes parents m'ont rapporté ces échos. C'est certain que je suis heureuse et énervée. Je n'ai jamais eu été l'objet d'une rumeur d'Oscar auparavant», rigole Anne Hathaway, très élégante avec sa blouse bohémienne, ses escarpins vertigineux et ses skinny jeans.
Rachel Getting Married, réalisé par Jonathan Demme (Le silence des agneaux, Philadelphie) rebutera les cinéphiles allergiques à la caméra nerveuse, aux éclairages naturels et au montage saccadé. Bref, si l'esthétisme du Dogme de Lars Von Trier vous hérisse, ne perdez pas votre temps avec les prises de bec entre Rachel et Kym.

Pour les autres, Rachel Getting Married se regarde comme un film de famille tourné par l'oncle zélé, qui zoome toujours sur la mauvaise personne et qui brasse le kodak un peu trop. L'approche est très brutale: la scénariste Jenny Lumet (fille du réalisateur Sydney Lumet) ne présente à peu près pas ses personnages et le spectateur plonge directement dans leurs vies.
Évidemment, le retour de Kym dans sa famille soi-disant parfaite, le temps des noces de Rachel, rallumera divers conflits et rouvrira les plaies non cicatrisées d'un horrible drame. Le contraste entre le faste du mariage et la douleur qui gruge ce clan américain frappe fort. Parfois, on jurerait qu'il s'agit d'un documentaire où le réalisateur a conservé tous les silences, malaises, pleurs, hésitations et rires.
Ce style cinéma vérité a savamment été concocté par Jonathan Demme. Tous les figurants sont en fait des amis, de la famille ou des connaissances du réalisateur. Les musiciens du mariage jouent vraiment les airs entendus dans le film. Et Demme a rarement coupé le moteur de sa caméra, offrant à ses acteurs de longues plages pour improviser. «Parfois, on avait l'impression de construire un avion en plein vol. Mais en fin de compte, 90% du scénario original a été respecté», constate Jenny Lumet.

Autre détail: aucun des personnages n'est vraiment sympathique, ce qui confère un réalisme troublant au film. «En lisant le scénario, je me disais: oh mon Dieu, Rachel se plaint tout le temps, comment vais-je faire pour qu'on ne la déteste pas trop?» raconte Rosemarie DeWitt, qui incarne la fameuse Rachel-qui-se-marie. Et remarquez bien son époux Sidney: il est joué par Tunde Adebimpe, le chanteur de TV on the Radio.

Très différentes, les soeurs Kym et Rachel ont au moins un point en commun: elles cherchent à tout prix à rétablir le contact avec leur mère Abby (excellente Debra Winger), qui les a quittées au zénith des problèmes de consommation de Rachel. «Kym est beaucoup plus courageuse. Rachel a tellement peur du rejet», souffle Rosemarie DeWitt, vue dans diverses émissions de télé, dont Mad Men et Sex and the City.

Le retour de Debra Winger

Malgré la proposition difficile de Demme, Debra Winger (Terms of Endearment, An Officer and a Gentleman) croit au potentiel commercial de Rachel Getting Married. «Ce n'est pas tout le monde qui veut voir The Dark Knight ou Iron Man», lâche l'actrice de 53 ans.

Et pourquoi cette légende de Hollywood a-t-elle disparu des écrans depuis si longtemps? «On m'offrait toujours les mêmes rôles. Alors, je me suis retirée, j'ai donné des cours à Harvard, j'ai écrit un livre. Hollywood a beaucoup changé ces dernières années. C'est rendu plus difficile de faire la promotion d'un film que de le tourner», lance Debra Winger dans un grand éclat de rire.
Rachel Getting Married est présenté les 14 et 16 octobre au 37e Festival du nouveau cinéma et prend l'affiche en anglais seulement le 17 octobre.