Magnus Isacsson poursuit depuis plus de 20 ans une carrière de documentariste engagé dont les films ont remporté plusieurs prix dans le monde. Son dernier long métrage, La bataille de Rabaska, coréalisé avec Martin Duckworth, est à l'affiche au cinéma de l'ONF.

Personnages, récit, drame... Ce ne sont pas les mots qu'on entend le plus souvent dans la bouche d'un réalisateur de documentaires, mais c'est le vocabulaire qu'utilise Magnus Isacsson pour parler de ses films.

«Je travaille dans la durée, explique-t-il, sur une période de trois à cinq ans. D'un point de vue dramatique, je peux suivre une histoire avec tous les rebondissements touchant les personnages, les aspects humains, émotifs. C'est un avantage.»

Il a toujours quelques fers au feu. Rien ne lui sert de courir après les sujets ou le fric bien qu'il se dise passablement inquiet pour la survie du documentaire.

«J'ai toujours accepté qu'en faisant du cinéma engagé, on ne vivait pas richement, confie-t-il. Mais quand les coupes viennent gruger les maigres budgets auxquels on avait accès pour le cinéma indépendant, ça devient très difficile. Je devrai choisir mes prochains sujets en faisant plus attention.»

La fiction, comme mode d'expression personnelle, n'a jamais vraiment intéressé le cinéaste qui a longtemps travaillé à Radio-Canada avant de se lancer dans le cinéma indépendant. Fils du pays d'Ingmar Bergman, la Suède, il a aussi étudié en arts et travaillé comme photographe.

Magnus Isacsson voit beaucoup de films de fiction et dit y puiser des techniques qu'il applique au réel. Cette réalité lui offre en fait beaucoup plus de drames à raconter dans le but avoué de faire ce qu'il aime: alimenter les débats de société.

C'est certainement le cas de Tension (1996), son film sur la lutte des Cris contre le projet de Grande Baleine et Enfants de choeur (1999), sur l'exclusion sociale, mettant en vedette les chanteurs de l'Accueil Bonneau. La bataille de Rabaska continue ce cycle en suivant les aventures des opposants au projet d'un port méthanier près de Québec.

«Je tourne beaucoup avec des gens que je trouve admirables, raconte-t-il, mais ils ne sont pas sans défauts. À travers les défis qu'ils affrontent, mes personnages montrent leurs forces et leurs faiblesses. C'est cette humanité que je cherche. Si on veut apprendre quelque chose de leur histoire, il faut les rendre dans toute leur complexité.»

Drames humains

Magnus Isacsson ne croit pas au cinéma-vérité pur et dur qui est plus affaire de théoricien que de cinéaste, selon lui. Son souci de dramaticité l'amène à aller vers une certaine forme de mise en scène, parfois.

«C'est de la mise en situation plutôt, précise-t-il. Je n'hésite pas à jouer avec la temporalité en inversant la chronologie des scènes filmées. Il m'arrive aussi d'amener des gens au tournage pour créer certaines interactions. Je ne fais pas de journalisme ou de reportage. Je raconte une histoire qui est arrivée à des personnes réelles.»

Pour Rabaska, Martin Duckworth et lui ont réalisé 175 heures de tournage en quatre ans avant d'en arriver au montage final qui fait 1h20. Ses personnages, on le sait, ont perdu leur combat contre le projet de port méthanier, mais la crise économique, est-il fier de souligner, vient juste de retarder l'échéancier du mégaprojet visant à importer le gaz de Russie en Amérique.

Présentement, Magnus Isacsson documente sur vidéo les faits et gestes de l'ATSA (Action terroriste socialement acceptable) ainsi que des Raging Grannies, des femmes dans la soixantaine qui luttent pour la justice sociale, l'environnement et la paix. Ce ne sont pas les batailles de justes qui manquent sur la planète.