«Je voulais d'abord raconter une histoire qui parle du désir et qui a un lien direct avec la mort», explique Stéphanie Duvivier, auteure de cet insolite et fascinant Roman policier, relecture du mythe d'Éros et Thanatos et autre découverte distribuée ici par K-Films Amérique qui prend l'affiche vendredi.

Un roman policier, sorte de polar détourné, de l'aveu même de Stéphanie Duvivier qui a joué comme elle l'entend avec les codes propres au genre, parle essentiellement du travail plus ou moins ordinaire des flics de basse hiérarchie d'un petit commissariat des banlieues françaises.

L'action se déroule la nuit: «Parce que la nuit, ça change tout dans la police. La nuit, les instincts sont réveillés. Je voulais parler des relations humaines entre ces flics et, aussi, faire un film d'action. Ces policiers de proximité sont au bas de l'échelle hiérarchique, confrontés aux petites misères du monde, j'ai voulu en apprendre sur leur métier.»

Le film de Duvivier s'ajoute aux rares «études de moeurs» du cinéma, façon réalisme social british à la Ken Loach. Pour s'instruire sur les moeurs policiers, la réalisatrice a tâté le terrain en enquêtant directement dans ces postes de police locaux où on aurait tort de croire qu'il ne se passe rien.

«J'ai observé le travail de la police de proximité, visité plusieurs commissariats, beaucoup de demandes d'entrevues ont été refusées. Il y a une sorte de loi du silence, les policiers ne se sentent pas le droit de parler. Ils font appel aux chefs de syndicat et ne proposent que des discours convenus, comme s'ils n'avaient pas le droit de se confier.»

Un roman policier aurait pu s'intituler «La peau lisse», jeu de mots un peu facile, concède Duvivier, mais pourtant tout à fait approprié, ce film étant en vérité l'histoire d'un amour compliqué et d'un désir partagé mais étouffé, celui d'une femme haut gradée, lieutenant Émilie, et d'un jeune flic arabe, Jamil, qui essaie maladroitement de se tailler une place dans ce milieu ordinairement raciste.

Les fricotages charnels d'Émilie et Jamil feront évidemment jaser les collègues car rien, sinon une attirance naturelle, n'en ferait un couple ordinaire: Émilie (Marie-Laure Descoureaux) est, physiquement, à mille lieux de la bombe sexy, même si elle dégage une forte charge érotique dès qu'elle retire l'uniforme, et Jamil (Abdelhafid Métalsi) quoique charmant, paraît un peu perdu dans cet univers.

Duvivier, d'origine marocaine et qui voulait aussi, par la bande, évoquer ce qu'elle appelle le racisme basique, explique: «Émilie représente bien la plupart des femmes, celle qu'on croise tous les jours dans la rue. J'ai choisi une actrice qui ne correspond pas aux critères de beauté habituels. L'uniforme policier n'aide pas. Mais elle est habitée par le désir. Ces personnages sont des antihéros, en quelque sorte. Ils ne créent pas l'intrigue, ils la vivent. Ce sont des petits flics, comme on dit, qui se retrouvent dans une affaire de crime qui les dépasse complètement. Ils ne savent pas comment gérer tout cela. Ils font un peu n'importe quoi, ils ne sont pas habilités à vivre ce genre de trucs.»

Auteure de quelques courts métrages, Duvivier s'est intéressé au polar un peu par défi et par un vague ennui: «Au moment de l'écriture du scénario, il y avait beaucoup de films français avec des gens à la campagne, ou des trentenaires parisiens dans des appartements chics, et ça me fatiguait J'ai voulu faire ma rebelle et ça m'a coûté cher, mais je suis contente, je l'ai fait.»

Et bien fait!

___________________________________________________________
Un roman policier de Stéphanie Duvivier prend l'affiche vendredi.