Dans La teta asustada en compétition jeudi à la 59e Berlinale, la jeune Claudia Llosa raconte le traumatisme des femmes violées, au Pérou, pendant les violences politiques des années 1980 et exalte la force de la culture quechua, longtemps méprisée dans son pays.

??l'avant-dernier jour de la compétition (5-15 février), le Britannique Richard Loncraine était à Berlin avec Renée Zellweger et Mark Rendall, deux des acteurs de My One and Only, une chronique de l'Amérique des années 1950.

Parmi les 18 films en lice pour l'Ours d'or décerné samedi, seul Sweet Rush du Polonais Andrzej Wajda, devait encore être dévoilé.

La benjamine de cette sélection, Claudia Llosa, 32 ans, a présenté son deuxième film, La teta asustada (littéralement «le sein effrayé») tourné trois ans après Madeinusa un conte coloré, cruel et sensuel sur les croyances naïves d'un minuscule village andin, couvert de prix dans les festivals.

Chaleureusement accueilli, La teta asustada fait le portrait de la jeune Fausta (Magaly Solier, déjà héroïne du film précédent) dont la mère a été violée pendant les combats entre l'armée et la guérilla maoïste du Sentier lumineux.

Fausta vit la peur chevillée au corps : elle souffre d'une maladie transmise par le «lait de la douleur», bu au sein maternel.

Sans en dire mot, elle a introduit dans son vagin une pomme de terre qui en germant, barre son corps aux hommes - car une femme, lui a-t-on dit, a un jour dégoûté son agresseur grâce à ce stratagème.

Lorsque sa mère meurt, Fausta doit gagner l'argent de l'enterrement.

«La teta asustada est une maladie bien connue au Pérou, on lui a consacré des articles scientifiques. J'ai trouvé ce nom si frappant, il désignait si clairement le calvaire vécu par ces femmes violentées, qui se transmet de génération en génération», a expliqué la jeune cinéaste.

«On traite plutôt cette maladie par des rituels chamaniques qu'avec l'aide de psychologues ou de psychanalystes, qu'il faudrait améliorer», a ajouté Claudia Llosa, cousine éloignée de l'écrivain Mario Vargas Llosa.

Remarquablement interprété par des acteurs «à 80 % non professionnels», ce film dépasse la chronique réaliste en puisant dans la culture indienne quechua l'imaginaire et la musique qui l'imprègnent. D'une grande beauté, les chants ont été composés par Magaly Soler pour son personnage.

Le film montre le dénuement d'une population andine qui vit à la périphérie de Lima, mais aussi la force de sa tradition orale.

«La pomme de terre représente un bouclier pour Fausta, mais en même temps dans mon pays elle symbolise les racines, la terre, la fertilité, la tradition et ce que nous sommes», a expliqué Claudia Llosa à la presse.

«Elle permettait de faire comprendre le traumatisme, la blessure qu'on veut cacher comme une tumeur, mais qui finit toujours par sortir au grand jour».

Dévoilé jeudi aussi, My One and Only est une comédie divertissante, où une bourgeoise new-yorkaise quitte son mari infidèle et s'efforce de débusquer le nouveau compagnon qui maintiendra son train de vie fastueux.

Flanquée de ses deux fils, elle part en Cadillac vers la côte Ouest mais ne parvient à harponner que des ratés, des play-boys et un fou.

«Je fais des films depuis 20 ans - Oh mon Dieu ! - mais je n'ai jamais autant aimé tourner un film», a dit Renée Zellweger.

London River du Franco-Algérien Rachid Bouchareb était toujours favori jeudi, au sein du palmarès établi par le magazine professionnel Screen.