Des cinq productions en nomination à l'Oscar du meilleur film, L'étrange histoire de Benjamin Button est celle qui connaît la plus belle carrière commerciale, avec plus de 240 millions $ au box-office mondial. La présence au générique de Brad Pitt n'explique pas tout. Le destin de cet homme qui vieillit à l'envers s'inscrit en droite ligne dans les productions épiques, bien fignolées, susceptibles de rallier le grand public et Hollywood.

Or, le film de David Fincher, malgré ses 13 nominations (une de moins que le record de Titanic et de All About Eve), pourrait bien repartir dimanche soir avec une statuette dans chaque main.

L'étrange histoire de Benjamin Button devrait éviter le blanchissage et le déshonneur d'être le plus grand perdant de l'histoire des Oscars en remportant deux prix secondaires, ceux des meilleurs maquillages et des meilleurs effets spéciaux. Certainement pas celui du meilleur scénario adapté, le scénariste Eric Roth donnant l'impression d'avoir fait un copier-coller de son grand succès Forrest Gump. Et puis, que dire d'un film de 2h45 fait à partir d'une plaquette de moins de 100 pages?

En outre, malgré ses grandes qualités et ses bonnes critiques, L'étrange histoire de Benjamin Button n'a pas fait l'unanimité dans les associations professionnelles et suscité un aussi grand engouement que Slumdog Millionaire, de Danny Boyle, notre coup de coeur pour rafler l'Oscar du meilleur film.

 

Depuis sa première mondiale acclamée au Festival de Toronto, en septembre, l'adaptation du roman de Vikas Swarup (Les fabuleuses aventures d'un Indien malchanceux qui devint millionnaire) surfe sur une vague de popularité qui lui a permis de rafler plusieurs récompenses, dont quatre Golden Globe (incluant celui du meilleur film et du meilleur réalisateur).

Ce Oliver Twist à la sauce curry renferme tous les ingrédients pour séduire à la fois le public et les membres de l'Académie : un scénario qui tient en haleine avec ce jeune héros dont on ne sait trop d'où lui viennent ses connaissances pour faire sauter la banque au jeu-questionnaire Who Wants to Be a Millionaire?, des personnages attachants et charismatiques, un savant dosage d'amour, d'humour et d'humanisme, une musique entraînante, une vision moderne ancrée dans le pays de demain, l'Inde. Sans oublier le fabuleux travail de Boyle derrière la caméra, avec ses cadrages originaux et sa photographie jaune safran.

Pour toutes ces raisons, Slumdog Millionaire devrait rafler le gros lot avec sept prix : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur montage, meilleure photographie, meilleure musique originale et meilleure chanson (Jai Ho).

Dommage pour Le liseur

Dommage pour notre autre coup de coeur, The Reader, forcé de plier l'échine devant ce tsunami indien. Au vu de ses innombrables qualités, le film de Stephen Daldry aurait mérité un meilleur sort. Ses producteurs pourront se consoler avec un seul Oscar (sur cinq nominations), celui de la meilleure actrice (Kate Winslet).

Le «biopic» Milk, sur la vie et l'oeuvre du militant gai Harvey Milk, certainement l'un des meilleurs films du rarement mauvais Gus Van Sant, n'est pas assez costaud pour prétendre à l'Oscar suprême. Malgré ses huit nominations, il devrait se contenter d'un seul prix, mais pas le moindre, celui du meilleur scénario original, écrit par Dustin Lance Black.

Le dernier candidat en lice, Frost/Nixon, devrait repartir avec son petit bonheur. Zéro en cinq. Cette passionnante incursion dans les coulisses de l'entrevue donnée par le controversé président Richard Nixon au journaliste britannique David Frost, en 1977, s'avère un peu trop «pointue» (et bavarde) pour coiffer ses rivaux au fil d'arrivée.

Mis en nomination dans huit catégories, The Dark Knight, le plus gros succès commercial américain depuis Titanic, devrait repartir avec trois statuettes : acteur de soutien (Heath Ledger), mixage sonore et montage sonore. Changeling, de Clint Eastwood, est notre favori pour rafler l'Oscar de la meilleure direction artistique (Patrick M. Sullivan Jr). L'Oscar des meilleurs costumes devrait revenir au film d'époque La duchesse.

En dernier lieu, l'Oscar du meilleur film étranger devrait échoir ? une première ? à l'original et troublant film d'animation Waltz with Bachir, tandis que le meilleur film d'animation devrait être l'affaire du sympathique robot nettoyeur Wall-E.

La réponse à tous ces pronostics dimanche, 20h, en direct du Kodak Theater de Los Angeles. L'acteur australien Hugh Jackman assurera l'animation du gala qu'on promet plus audacieux que les années précédentes, histoire de ramener au bercail les millions de téléspectateurs qui ne cessent de déserter l'événement.