Avant même de lire le scénario écrit par Maïwenn, Jeanne Balibar était d'emblée partante pour participer au bal. Se fondant plus naturellement dans les univers d'auteurs offrant des propositions atypiques, l'actrice a trouvé là un rôle à sa (dé)mesure.

Elle dit être à la fois «naïve et paranoïaque». Et balance sa description dans un grand éclat de rire, portée par sa voix si singulière.

Jeanne Balibar est l'une des égéries du cinéma d'auteur français depuis une quinzaine d'années. D'abord révélée par Desplechin dans Comment je me suis disputé..., l'actrice s'est notamment distinguée chez Rivette (Va savoir) et Assayas (Fin août, début septembre). Elle fut aussi remarquée l'an dernier en prêtant ses traits à l'amante de Françoise Sagan dans le film biographique que Diane Kurys a consacré à l'écrivain. Plus récemment, elle a pu se faire valoir dans Le plaisir de chanter, le délicieux film d'Ilan Duran Cohen.

Bien qu'elle ait l'image d'une actrice «intello», Jeanne Balibar adore brouiller les pistes. «L'impudeur est au centre de notre métier, mais en même temps, il ne faut pas se prendre à trop jouer le jeu du cinéma. La preuve...», dit-elle en relevant l'ironie du contexte dans lequel se déroule cette interview.

L'actrice était en effet de ceux qui ont participé aux activités promotionnelles organisées à l'occasion des Rendez-vous du cinéma français, lesquels se sont tenus en janvier dans l'un des plus prestigieux palaces parisiens. À tout moment, elle craint d'ailleurs que la cigarette qu'elle vient d'allumer clandestinement ne déclenche une alarme. «Nous vivons quand même une époque incroyable. Je crois qu'on nous étourdit avec ce genre de petits détails pour mieux détourner notre attention. On nous cache sûrement des choses. De là ma nature paranoïaque!»

Une évidence

Jeanne Balibar a accepté d'emblée la proposition culottée de Maïwenn. «D'abord, j'ai adoré Pardonnez-moi, son film précédent, explique-t-elle. Ensuite, je prends toujours plaisir à souscrire à des projets un peu bizarres, où des choses m'échappent. Et puis, ce tournage nous a fait un bien immense à nous, actrices. Il s'est en effet créé entre nous toutes des liens de solidarité autour de ce film.»

Se partageant entre le théâtre, le cinéma et la musique, la comédienne dit avoir découvert sa vocation presque par accident. «Je faisais des études en histoire, mais l'envie de jouer me traversait l'esprit. Je me suis dit que je devais au moins essayer. J'avais le sentiment que si je n'essayais pas, je le regretterais toute ma vie. Dès le premier jour où je suis entrée dans une classe de théâtre, ce fut l'évidence. J'avais l'impression que j'étais là où je devais être.»

Si, aujourd'hui, elle fantasme parfois à l'idée de mener une vie plus régulière ou plus rangée, elle reste bien consciente du fait que sa vie n'aurait probablement pas pu être menée autrement.
«Tout cela est très lié, observe-t-elle. Un jour on fait une action dans sa propre vie et l'on s'aperçoit que l'on a agi exactement de la même manière qu'un de nos personnages six mois auparavant. Il s'établit un rapport plus compliqué entre les rôles et l'acteur. Quand cela arrive, je me dis merde, c'est un peu dangereux quand même!»

Elle trouve aussi que la vie est très chargée, peut-être même un peu trop.

«Je ne pense pas à la vieillesse, mais j'ai quand même traversé une petite crise récemment. Cela n'a rien à voir avec les changements d'apparence physique, mais plutôt avec la conscience de tout ce qu'il y a à digérer, à accueillir sur le parcours d'une vie. C'est beaucoup! Évidemment, c'est triste quand une vie s'arrête trop tôt, mais il reste que je trouve les humains bien courageux de se taper tout ça sur une longueur de 75 ans!

- L'espérance de vie est encore bien plus longue maintenant vous savez...

- Oui je sais, répond-elle avec un petit sourire malicieux. Mais je fume beaucoup...»

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