Après s’être volontairement retiré pendant quelques années, Hippolyte Girardot est revenu en force dans des films qui correspondent mieux à ses affinités. Sa rencontre avec le cinéaste Amos Gitaï fut déterminante.

Nous avions un peu le sentiment d’avoir perdu sa trace. Acteur phare du cinéma français des années 80 et 90, Hippolyte Girardot avait même incarné l’esprit d’une époque en se glissant dans la peau du glandeur d’Un monde sans pitié, le premier long métrage d’Éric Rochant. Il s’est pourtant fait beaucoup plus rare au cours des récentes années.

«Je me suis arrêté pendant cinq ans», explique l’acteur au cours d’une interview accordée à La Presse à l’occasion des Rendez-vous du cinéma français, un événement tenu annuellement à Paris. Cette absence résulte d’une profonde remise en question, en partie due à une insatisfaction par rapport aux rôles qu’on lui offrait.

«J’ai fait de mauvais choix, reconnaît-il. Des films se sont aussi cassé la gueule. Bref, ça n’allait pas. Je ne dirais pas que j’ai sabordé ma carrière moi-même, mais j’ai refusé plusieurs propositions. Et celles que j’aurais souhaitées n’arrivaient pas. J’ai survécu en travaillant au théâtre et à la télé et je suis revenu au cinéma petit à petit. Maintenant, je suis plus à mon aise.»

À 53 ans, l’approche qu’emprunte l’acteur envers le métier n’est plus du tout la même. Et s’harmonise mieux avec la démarche d’un individu qui a toujours eu de la difficulté à composer avec la notion de vedettariat.

«On ne me demandait pas de faire grand-chose, à vrai dire. On me choisissait plus pour que ce que je représentais. Le côté star et tout ça, c’était très problématique pour moi. J’avais l’impression de ne pas être à ma place. Maintenant, ça va. On m’apprécie davantage pour ce que je fais. Les cinéastes semblent maintenant voir autre chose. On m’offre désormais des rôles qui me conviennent mieux.»

À une époque où la perspective de vieillir est souvent vue comme un écueil, spécialement dans l’exercice d’un métier où l’apparence physique est souvent considérée comme une vertu, Hippolyte Girardot estime être aujourd’hui mieux en mesure d’affiner son art

«Quand on a la chance d’avoir accès à des rôles intéressants, la capacité d’analyse et d’imagination est encore bien plus grande, une fois la maturité atteinte. En vieillissant, on se dégage de certaines préoccupations. Nous ne sommes plus dans la performance. On ne devient pas meilleur, mais on prend plus de plaisir à ce que l’on fait.»


Une introspection

Dans Plus tard, tu comprendras, un film magnifique d’Amos Gitaï, Hippolyte Girardot incarne Victor, un homme à la recherche d’une histoire familiale restée secrète jusqu’à la retransmission, en direct, du procès de Klaus Barbie en 1987. Adapté du roman autobiographique de Jérôme Clément, le nouveau long métrage du réalisateur de Free Zone ouvre un dialogue sur une période très sensible de l’histoire française. Et fait écho à la notion de transmission d’une tragédie – le sort des Juifs pendant la guerre et la collaboration du régime de Vichy avec les Allemands – dont il ne restera bientôt aucun témoin direct. Le silence de la mère de Victor, interprétée par Jeanne Moreau, indique d’ailleurs bien la volonté de laisser ce pan de l’histoire à l’ombre du patrimoine familial.


«Le personnage est dans un état introspectif, explique Girardot. Il a l’impression d’être entré dans une pyramide d’Égypte et il tente de trouver la sortie. C’est parfois dur à faire. Dans la mesure où le personnage se donne parfois la réplique lui-même.»


La rencontre avec Amos Gitaï se révèle toutefois déterminante dans le parcours professionnel d’un acteur qui s’adonne aussi à la réalisation.
«Amos a une façon de découper l’espace qui est unique. Il est architecte de formation et cela influence grandement sa démarche. Cela m’a beaucoup ému de le voir travailler, car sa conception visuelle m’a rappelé plein de choses de mon père, architecte lui aussi.»


Découpé en plans-séquences savamment orchestrés (et minutieusement cadrés), Plus tard, tu comprendras a aussi emprunté les allures d’une leçon de mise en scène pour un acteur qui, bientôt, offrira son premier long métrage en tant que réalisateur.


«Il s’agit d’un projet très particulier, très expérimental, fait valoir celui qui, plus jeune, a déjà signé de nombreux courts métrages. Je coréalise Yuki et Nina avec Nobuhiro Suwa, un jeune auteur-cinéaste japonais. Nobuhiro avait notamment réalisé Place des Victoires dans Paris, je t’aime, un segment dans lequel je donnais la réplique à Juliette Binoche.»


Vu aussi dans les films d’Arnaud Desplechin (Rois et reine, Un conte de Noël), de même que, plus récemment dans Caos Calmo (Antonio Luigi Grimaldi) et Le crime est notre affaire (Pascal Thomas), Hippolyte Girardot semble maintenant bien en selle pour poursuivre une carrière qui répond mieux à ses envies. Plus tard, tu comprendras procède assurément de cette nouvelle approche.

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Plus tard, tu comprendras est présentement à l’affiche.


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