«Les premiers films sont ceux où l'on met beaucoup de soi-même», constate Olivier Père, directeur de la Quinzaine des réalisateurs, où J'ai tué ma mère a été révélé. De la poésie (Cocteau, Musset), de la rage et du bouillonnement adolescent aux antagonismes familiaux, Xavier Dolan explore, non sans en rire, parfois, son propre mythe familial.

Il y a la mère (Anne Dorval) seule, banlieusarde, haute en couleur; son intérieur chargé, ses tenues extravagantes que l'on croirait parfois sorties de La cage aux folles. «C'est une femme qui est asservie par l'abondance d'information: elle a besoin d'en mettre beaucoup», justifie le jeune réalisateur.

Face à la mère, le fils (Dolan). Artiste avide de poésie, aussi dégoûté par sa mère qu'attiré vers elle, Hubert Minel veut vivre sa vie et sacrifier au rite initiatique de tout homme: tuer, symboliquement, la mère. «C'est vraiment un film sur les contrastes. Sur l'incompréhension, aussi, entre les gens; sur la différence qui les divise», dit Dolan.

Plusieurs fois, la mère de Xavier Dolan a péri sous les coups de son auteur de fils. D'abord dans une nouvelle, Le matricide. Projet onirique s'il en est, la nouvelle racontait, selon les mots de son auteur, comment un jeune homme reçoit, un soir, une visite du diable «sous la forme d'un gnome nu qui lui ordonne de tuer sa mère».

Le matricide est ensuite transformé en scénario, écrit en un jet, en trois jours seulement. Après plusieurs mois, il devient J'ai tué ma mère, projet dans lequel la mère meurt à la façon de celle du jeune Doinel dans Les 400 coups: spontanément, dans la bouche d'un écolier.

Quelques mois plus tard, Xavier Dolan démarre la production de son film. Ses économies en poche, avec, autour de lui, une équipe aux reins solides. Anne Dorval et Suzanne Clément, amie du réalisateur, se prêtent au jeu, tout comme Niels Schneider et François Arnaud. Pour la production, Xavier Dolan s'entoure de Daniel Morin et Carole Mondello.

Xavier Dolan a porté J'ai tué ma mère en dépit des refus des institutions (la SODEC a embarqué après le début du tournage), du lâchage de son distributeur (Séville). «J'ai pensé qu'il y avait un mauvais karma, que les zones d'ombre se succédaient sans lumière, se souvient Dolan. Je me suis accroché à mon rêve.»

Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs (où il a gagné trois prix), J'ai tué ma mère a connu à Cannes un début assez triomphal et exceptionnel, selon le mot d'Olivier Père, assurant un passage remarqué à son jeune réalisateur, scénariste, producteur et acteur, «le cadet de la Croisette», comme le soulignait une publication française. «Je me suis promis que j'irais jusqu'au bout parce que c'était mon rêve», dit-il. C'est maintenant chose faite.