On pourrait filer longtemps la métaphore entre le box-office et la météo. Le beau ou le mauvais temps peuvent faire le succès d'un film en salle et comme la météo, le box-office n'est jamais complètement prévisible. «Nobody knows anything», dit Simon Beaudry, reprenant à son compte l'adage de William Goldman.

«C'est un métier dans lequel c'est difficile de prévoir la réussite ou l'échec de la production», résume Simon Beaudry. Pour un succès de box-office dépassant les attentes (que l'on pense à C.R.A.Z.Y. ou à La grande séduction), le cinéma québécois compte aussi son lot de films qui déçoivent (Le piège américain ou encore Duo).

Mais le box-office est-il vraiment important? Eh bien! oui. «Sans box-office, on ne peut pas parler de renaissance du cinéma québécois, dit-il. Si l'importance accordée au box-office dérange, il faut remettre en question ceux qui utilisent ces chiffres à outrance.» Les politiques de performance de l'organisme de financement du cinéma de Téléfilm Canada sont, de facto, associées à cette importance accordée au box-office par l'industrie.

Les objectifs de la SODEC et de Téléfilm illustrent, à ce titre, les divergences entre les deux institutions de financement: la SODEC lorgne plutôt vers le culturel tandis que Téléfilm tend à favoriser les succès commerciaux. «On a un cinéma national en recherche de direction: une partie de cette direction vient d'Ottawa, l'autre de Québec. Cela fait partie de la problématique du cinéma d'ici», constate Simon Beaudry.

L'exception québécoise

Le box-office des films québécois constitue une petite exception dans le domestic market américain, dont le Québec fait partie, comme le reste du Canada. Preuve en est: Cinéac est la seule firme du genre au Canada.

L'exception québécoise doit beaucoup à l'arrivée de la télévision et à la nécessité de diffuser du contenu original en français. Le star-system québécois est né, explique Simon Beaudry, des bonnes oeuvres de la télévision ainsi que du savoir-faire acquis par les distributeurs québécois lors de la venue ici des vedettes du cinéma français avant l'émergence de notre cinématographie nationale. Avec la langue, «cela explique la différence avec le marché canadien», dit-il.

Place très minoritaire

Avec une vingtaine de longs métrages qui sortent chaque année, le cinéma québécois occupe néanmoins une place très minoritaire sur les écrans de la province.

Cinéac aide par ailleurs l'industrie québécoise du cinéma à mieux comprendre son public en organisant des projections-tests. «La vertu, c'est de présenter le film à un public déterminé. On va chercher des gens qui correspondent aux désirs des distributeurs et du producteur. On prend acte des commentaires des spectateurs. Cela peut aboutir à une modification du montage ou des éléments de mise en marché pour le film. L'acuité (des projections-tests) est indéniable», estime Simon Beaudry.

Du côté créatif, la projection-test est rarement bien perçue, notamment par les réalisateurs. «Au Québec, on passe d'un système contrôlé par les réalisateurs à un système contrôlé par les producteurs. Ce déplacement fait en sorte que beaucoup de créatifs sont réticents à ce genre de contrôle.»

L'amour du chiffre pour le cinéma, Simon Beaudry l'a acquis en lisant, dès l'adolescence, des revues spécialisées comme Variety. «Ils avaient une langue complètement fermée: ils ont ensuite éliminé ce côté club secret», se souvient-il. Simon Beaudry fait ensuite ses armes dans des milieux aussi divers et variés que les salles de cinéma, l'ONF et le gouvernement fédéral, avant de rejoindre Cinéac en 2000.

S'il a suivi l'irrésistible ascension du cinéma québécois au début des années 2000 (jusqu'au record de 2003, quand le cinéma québécois a accaparé 18,5% des parts de marché), Simon Beaudry se plaît aussi à rappeler que le marché québécois est l'un des plus complexes au monde. Difficile, donc, de miser sur un éventuel maintien ou renversement de la tendance...

Infos: www.cineac.ca