Richard Harris a été un inoubliable Dumbledore. Après sa mort, Michael Gambon l'a remplacé dans le costume du directeur de Poudlard. Et a trouvé sa place dans l'univers de Harry Potter. Rencontre avec un grand acteur qui ne se prend pas au sérieux.

Il y a d'abord eu Richard Harris. Le Dumbledore des deux premières adaptations des romans de J.K. Rowling, Harry Potter à l'école des sorciers et La chambre des secrets. Il y a ensuite eu la mort de Richard Harris, le 25 octobre 2002. Qui allait le remplacer dans le costume du directeur de Poudlard? L'invitation a été lancée à Michael Gambon.

Il a accepté. Oh, pas pour des raisons sentimentalo-philosophico-familiales - plusieurs des acteurs adultes de la série ressentent le besoin d'expliquer leur présence au générique par des: «Mon fils (ou ma fille, ou mon neveu, ou mon petit-fils, etc.) ne m'aurait pas pardonné un refus!» Non, Michael Gambon va droit au but: «Je suis avant tout un acteur de théâtre, j'ai besoin de travailler tout le temps... et la paye était bonne», fait-il lors d'un trop court tête-à-tête avec La Presse, dans un hôtel de New York, une lueur amusée dans les yeux. Avant d'ajouter, pas façon excuse, mais manière constat: «Et puis, ce sont d'excellents films et un rôle intéressant.»

Il est ainsi devenu, pour les films suivants, le nouveau Albus Dumbledore - qui occupe une place cruciale dans l'intrigue du Prince de Sang-Mêlé - et, ce faisant, habite le personnage à sa manière, sans jamais s'être inquiété des comparaisons qui auraient pu être faites avec la performance de Richard Harris: «Je joue dans des pièces de théâtre qui sont reprises depuis des siècles. Les personnages que j'y incarne ont été interprétés par des dizaines d'autres acteurs. Mon travail est de les faire miens. C'est ce que j'ai fait ici.»

Michael Gambon n'a donc pas regardé les deux premiers films de la série. «J'ai simplement décidé de donner à Dumbledore ce léger accent irlandais que Richard avait.» Et que lui, bien qu'aussi d'origine irlandaise, ne possède pas. «Quand Alfonso Cuaron est arrivé sur le plateau du Prisonnier d'Azkaban, il m'a demandé: «C'est quoi, cet accent?»» Je lui ai répondu: «Quel accent?» Il a dit: «Ah... OK»... et les choses sont restées ainsi», poursuit l'acteur avec, toujours, cet air amusé.

Comme quand il explique pourquoi il n'a jamais lu les romans de J.K. Rowling: «Beaucoup de choses doivent être coupées ou modifiées pour arriver au scénario... mais imaginez si je lisais les livres et que j'y trouvais une scène extraordinaire pour moi qui ne se retrouve pas dans le film? Ce serait terrible», conclut-il dramatiquement. Puis, sourire. «Enfin, c'est mon excuse pour ne pas avoir lu les romans.»

De toute manière, il ne manque pas de gens autour de lui qui, eux, les connaissent par coeur. Que ce soit le producteur David Heyman, le scénariste Steve Kloves et le réalisateur David Yates. Ou encore, les jeunes acteurs qui l'entourent sur le plateau... et qui sont de moins en moins jeunes. «Quand j'ai commencé, Daniel (Radcliffe) était un garçon. Maintenant, c'est un jeune homme sérieux... qui lit des livres - lui! - et écrit de la poésie. Il est aussi devenu un acteur plus en maîtrise, plus riche et plus profond.»

Pour lui, qui partage beaucoup de scènes avec l'interprète de Harry Potter, la différence est non négligeable. Ainsi, il avait besoin d'un vis-à-vis solide dans cette scène cruciale où, dans l'avant-dernier acte du film, sur un piton rocheux émergeant d'un lac sous-terrain, il est obligé... ou plutôt, il s'oblige à boire ce qui pourrait être un poison. «Déjà que nous étions entourés d'un écran vert et non de parois rocheuses et d'eau, si je n'avais pas eu un partenaire à la hauteur, ça aurait été plus difficile de jouer de façon convaincante.»

Les joies du cinéma, n'est-ce pas! Qui diffèrent de celles du théâtre. «En effet. Au théâtre, vous commencez et n'arrêtez pas jusqu'à ce que le rideau tombe. Vous êtes le patron. Personne pour crier «Coupez!» aux cinq minutes. Mais il y a quand même un avantage à toutes ces pauses... en tout cas, pour les fumeurs», termine-t-il en riant. Et là, le temps imparti étant écoulé, c'est son attachée de presse qui y est allée d'un «Coupez». Zut!

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Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Warner Brothers.