Ils sont peu nombreux, mais ils font parler d'eux. Le Québec compte à peine 20 cascadeurs, dont la réputation s'étend bien au-delà de nos frontières. L'an dernier, deux d'entre eux ont gagné un Taurus, l'Oscar des cascadeurs, pour une scène de bataille dans 300. Pour la première fois, une Québécoise a aussi été finaliste cette année en vue de l'attribution de ces prix prestigieux. Et ils ont à nouveau l'occasion de démontrer leurs talents dans le film Les pieds dans le vide. Portrait d'un métier pour amateurs de sports extrêmes.


Stéphane Lefebvre se souviendra toujours du tournage du film The Human Highway, qui mettait en vedette Anthony Hopkins et Nicole Kidman. «J'ai failli mourir en faisant ma cascade!».

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L'homme de 45 ans devait faire des tonneaux en voiture avant de faire une sortie de route et sombrer dans les eaux glacées de la rivière Rouge. «Mais l'impact a été très violent et je ne trouvais pas l'embout de la bonbonne d'air.»


Heureusement, Stéphane Lefebvre s'en est tiré. Aujourd'hui, il a sa propre compagnie, Action Stunts. Il coordonne des cascades en plus d'en faire à la pige.


Dans Les pieds dans le vide, c'est lui qui double Guillaume Lemay-Thivierge lors d'un atterrissage en parachute difficile. Il le doublera aussi dans son prochain film, Le poil de la bête, une histoire de loup-garou dont Philippe Gagnon signera la réalisation.


Stéphane Lefebvre a toujours voulu être cascadeur. C'est en 1982 que sa carrière a débuté, dans la série télévisée Clémence Aletti. Il avait 18 ans. Depuis, on l'a aperçu dans des dizaines de films, dont Camping Sauvage et Battlefield Earth.


Son métier s'apprend sur le tas, dit-il. «Il n'y a pas d'école de cascadeurs au Québec. La formation, c'est plusieurs cours que tu suis... de gymnastique, d'escalade, de plongée... Plus tu as suivi de cours, plus tu as de chances de travailler.»


Il faut aussi être autodidacte. «Si tu veux apprendre à déraper en auto, tu vas à la piste de course de l'Autodrome de Saint-Eustache.»


C'est grâce au «sport extrême» que les quatre fondateurs de Fast Motion sont quant à eux devenus cascadeurs. Mathieu Ledoux, Stéphane Julien, Thomas Liccioni et Yan Lecompte se sont connus en faisant du patin à roulettes au défunt Taj-Mahal, un skate-park qui était situé là où a été construite la Grande Bibliothèque.


En 2000, ils ont passé une audition et ont obtenu des rôles de doublures dans la production américaine Rollerball, tournée à Blainville, qui mettait en vedette LL Cool J, Jean Reno, Chris Klein et Rebecca Romjin Stamos. «Nous avons découvert que nous pouvions faire de l'argent avec le cinéma», raconte Thomas Liccioni.


En 2004, ils ont produit un démo d'équipe et fondé Fast Motion. Depuis, les affaires vont bien. Très bien.


Surtout depuis que Mathieu Ledoux et Stéphane Julien ont remporté un prix, en juin 2008, au gala des Taurus World Stunt Awards dans la catégorie de la meilleure bataille pour leur participation à la superproduction hollywoodienne 300, tournée à Montréal à l'été 2006. «C'est l'équivalent des Oscars pour les cascadeurs, précise Thomas Liccioni. Ils sont les premiers Québécois à y avoir gagné un prix.»


«Le film 300 nous a mis sur la map solide», ajoute-t-il. Aujourd'hui, le nom de Fast Motion est associé à plusieurs films ou séries d'ici et d'ailleurs, que ce soit Nitro, Shoot'Em Up, Minuit le soir et The Mummy: Tomb of the Dragon Emperor.


En ce moment, Mathieu Ledoux et Yan Lecompte sont à Vancouver pour le tournage de Twilight. Quant à Liccioni, il vient de travailler sur la minisérie Phantom, où il faisait du «parkour», un art acrobatique qui consiste à user les obstacles urbains pour bondir un peu partout.


Des femmes aussi


De son côté, Karine Lemieux peut se vanter d'être la première Québécoise à avoir aussi obtenu deux nominations aux plus récents Taurus World Stunt Awards dans les catégories du «plus gros coup» et du meilleur ensemble de cascades pour une femme.


Celle qui a notamment doublé Angelina Jolie sur le plateau de Beyond Borders adore son métier. «J'aime le danger, le côté créatif, le travail d'équipe, la performance sous pression et le fait que chaque jour est toujours différent.»


C'est par la boxe qu'elle est devenue cascadeuse.


Un petit milieu



On compte une vingtaine de cascadeurs au Québec, dont environ cinq femmes. «Ce sont tous des gens qui ont des spécialités», indique «un vieux de la vieille», Jean Frenette.


C'est lui qui a coordonné les cascades des Pieds dans le vide. «Habituellement, on travaille sur le sol. Là, on était dans les airs. Il y avait un énorme défi», souligne-t-il.


Pour un saut en parachute du sommet de la Tour de la Bourse, il a dû trouver trois personnes qui ne sont pas nécessairement cascadeurs professionnels, mais qui font du base jumping. «Le base jumping est illégal au Québec, explique Claude Veillet, le producteur des Pieds dans le vide. C'est un saut en parachute fait à partir d'une structure fixe, que ce soit un pont ou un édifice.»


Il a fallu convaincre plusieurs institutions avant d'avoir l'autorisation de sauter, très tôt le matin. «J'avais des cheveux gris, j'ai des cheveux blancs maintenant», blague Claude Veillet.


La sécurité était maximale. Quant aux assurances, «le déductible était plus élevé les jours de tournage en parachute», explique le producteur.


Si Guillaume Lemay-Thivierge a effectué les sauts en parachute «de routine» qu'on voit dans le film, c'est qu'il en a l'habitude (voir autre texte).


Les producteurs ont recours aux services d'une doublure «dans les situations les plus critiques», explique M. Veillet. Car, comme le dit si bien Thomas Liccioni, «le cascadeur est remplaçable, mais pas l'acteur».


Plus la cascade comporte des risques, plus les primes au danger sont payantes. «Les bleus et les entorses font partie de la game», indique Thomas Liccioni. «Avant les cascades, tu te demandes pourquoi tu fais ça. Mais quand tu réussis et que tout le monde applaudit, tu te dis que c'est le plus beau métier du monde.»