L'équipe de Roger Cantin était au Festival des films du monde hier pour accompagner la présentation d'Un cargo pour l'Afrique, le seul film québécois inscrit dans la compétition mondiale.

«Quand j'ai appris que mon film avait été sélectionné en compétition, j'étais évidemment très heureux, commentait hier le cinéaste Roger Cantin. C'est un beau cadeau. Mais là, je commence à me rendre compte de ce que cela représente en fait!»

Un cargo pour l'Afrique est en effet le seul film québécois - et même canadien - inscrit en compétition officielle cette année au FFM. L'auteur cinéaste, qui n'a tourné que La forteresse suspendue au cours de la dernière décennie, ressent bien entendu une certaine fébrilité à défendre seul les couleurs nationales.

«Ce qui me ferait surtout plaisir, c'est que Pierre Lebeau obtienne le prix d'interprétation ex aequo avec Julien Adam!» dit-il.

Le souhait du cinéaste risque peut-être de se réaliser. Le duo que forment le vétéran acteur - à qui le FFM rend hommage - et la jeune recrue constitue en effet la force principale de cette comédie dramatique au centre de laquelle figure la rencontre d'un Africain de coeur et d'un garçon triste.

Quand on fait la connaissance de Norbert (Lebeau), ce dernier se débat dans les arcanes bureaucratiques de l'immigration. Revenu malgré lui après une absence de 20 ans, le travailleur humanitaire, qui avait peut-être dû fuir le pays pour d'obscures raisons à l'époque, échoue ici sans papiers, avec une seule idée en tête: être «déporté» en Afrique. Sa terre d'adoption est l'endroit où il se sent chez lui, où son idéalisme peut être utile. Aussi compte-t-il regagner le continent noir coûte que coûte, quitte à monter clandestinement sur un bateau.

Or, un jeune garçon (Julien Adam), réputé délinquant dans le quartier, le pourchasse à partir du moment où il recueille le petit singe capucin que Norbert a dû abandonner dans un parc. «Ces deux êtres ont des choses à exorciser, expliquait hier Pierre Lebeau. Du chagrin pour l'un; tout un passé pour l'autre.»

Si le récit se révèle somme toute prévisible, Cantin parvient néanmoins à tirer son épingle du jeu. En misant sur le caractère idéaliste du personnage, l'auteur cinéaste s'intéresse d'abord à la notion de transmission de valeurs humanistes. «Le cynisme ne fait pas bouger grand-chose de toute façon!» a-t-il dit lors de la conférence de presse. De plus, son récit baigne dans un magnifique climat musical africain, gracieuseté du compositeur Ned Bouhalassa.

Ayant eu l'idée du film il y a environ sept ans, Roger Cantin a rendu hommage au producteur Rock Demers, «sans qui je n'aurais rien tourné depuis 10 ans!» Le projet, refusé par les institutions, a toutefois dû être repensé avec un budget passablement réduit.

«Paradoxalement, on éprouve une vraie liberté de cette façon, souligne le cinéaste. Il faut être alors plus créatif. Il y a des idées de mise en scène qui ne me seraient pas venues à l'esprit autrement. J'ai dû me réinventer.»

Le sens de l'amour

Salle comble hier en fin de matinée pour la présentation de Weaving Girl, un film chinois réalisé par Wang Quan'an (Tuya's Marriage). La projection a d'ailleurs commencé avec 20 minutes de retard; tous les membres de la délégation ayant pris la parole pour souhaiter la bienvenue au public. Message aux organisateurs: merci de désigner un porte-parole et de les prévenir d'un temps maximum pour un petit laïus. Cinq minutes de retard passent encore. Vingt, non.

Weaving Girl est un beau film, cela dit. Qui vaut surtout pour le regard sobre et empathique que pose le cinéaste sur le milieu des ouvriers. La jeune tisseuse du titre travaille à la dure dans une usine textile. Elle s'est mariée sans grande conviction, se résignant à épouser un homme qui lui a fait la cour après que celui dont elle était véritablement amoureuse ait disparu.

Le jour où elle sent sa santé plus fragile, la jeune femme fait en sorte de retracer celui qu'elle a aimé 10 ans plus tôt. Wang Quan'an s'immisce ainsi subrepticement dans le coeur d'une femme qui s'interroge sur le sens de l'amour.

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Un cargo pour l'Afrique de Roger Cantin. Aujourd'hui 17 h au Quartier latin. En salle le 11 septembre.

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Weaving Girl (La tisseuse) de Wang Quan'an. Aujourd'hui 16 h 30 au Cinéma Impérial.