Peu de cinéastes américains ont réussi à frayer leurs propres sentiers hors des grandes autoroutes hollywoodiennes. Et peu peuvent se targuer d'avoir, à force de courage et d'indépendance, fait de ces sentiers des routes. George Romero est de ceux-là. Il est, pour tous les fanas de cinéma fantastique, un héros, un mentor, un druide.

Invité à Montréal au Festival du nouveau cinéma (FNC) où on lui a chaleureusement offert le trophée «Louve d'honneur», celui qu'on aime appeler Big George, âgé de presque 70 ans, nous a accordé 10 minutes de son temps, pressé malgré lui par les obligations promotionnelles, les entrevues en série et les séances photo.

Affable et débonnaire, doté du sens de l'autodérision, sans faire dans la fausse modestie, Romero vient présenter Survival of the Dead, sixième opus de sa série portant sur l'éventuelle invasion des morts-vivants et, par la bande, sur la lente désagrégation de la société des objets et sur la prolifération vénéneuse des médias. Cantonné au rôle de «maître de l'horreur» (ce qui n'est quand même pas rien) alors qu'il aimerait échapper aux étiquettes et réaliser des films plus intimistes.

Romero semble toutefois ne rien regretter de son parcours et envisage le cinéma en tant que forme d'expression artistique, bien sûr, mais aussi comme gagne-pain: «Hollywood, ce n'est pas ma tasse de thé. Mais il faut bien que je travaille.» Aussi George a-t-il quitté son pays et sa ville, Pittsburgh, pour s'établir au Canada et mettre sur pied un nouveau réseau de collaboration plus commode et, surtout, plus modique. «Moi et mes partenaires n'avions rien filmé pendant à peu près sept ans à Hollywood. Nos projets étaient toujours «en développement». C'était très frustrant. Nous sommes venus tourner à Toronto pour des raisons purement économiques. Il y avait jadis beaucoup de productions à Pittsburgh, mais soudainement tout s'est effondré. Mes amis et collaborateurs sont partis. C'était comme une famille désunie. J'ai trouvé à Toronto des gens avec qui j'ai envie de travailler.»

Tout a commencé en 1968 avec le désormais classique Night of the Living Dead, tourné avec des rouleaux de 5 cents et l'énergie naïve des débutants. Romero et ses complices ont ensuite produit quelques films malheureusement peu connus du grand public (Season of the Witch, Martin). Puis en 1978 sort Dawn of the Dead, autre classique instantané. Romero deviendra alors une star, et il ne sera généralement reconnu par la suite que pour ses films de zombis: «Je me sens parfois comme Wes Craven coincé sur Elm Street», dit-il, faisant référence évidemment à l'auteur du croquemitaine Freddy.

Le cinéma de Romero est ouvertement engagé, à gauche, mais le cinéaste y propose, par le divertissement, des questions plus qu'il ne fait la leçon: «Je m'intéresse maintenant à l'impact des médias émergents. Trop peu d'artistes travaillant dans le fantastique utilisent la métaphore comme commentaire social. Je suis un peu rebelle, je n'écoute pas les conseils de mes agents.»

Sorte de suite, dans les thèmes abordés, à son Diary of the Dead (2007), Survival of the Dead, au titre qui réfère à la téléréalité, a été tourné dans l'urgence: «Je voulais le faire au plus vite parce que je savais que quelqu'un d'autre allait faire quelque chose de semblable. Surtout, je voulais fuir les gros budgets, retourner aux racines, fabriquer des films modestes sur lesquels j'ai le contrôle. J'aime l'idée que chacun de ces films aborde les problèmes sociaux et politiques actuels.»

À la blague (mais pas tant que ça), Romero ajoute que son prochain film de morts-vivants devrait porter sur un thème universel, comme l'effondrement économique, et il propose comme titre Zombies on Wall Street. La revanche du tiers-monde. Ce serait trop beau!

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Survival of the Dead, de George Romero. Au Festival du nouveau cinéma; www.nouveaucinema.ca. George Romero sera présent à chaque représentation.