Le réalisateur de La tourneuse de pages s'amène au Festival du nouveau cinéma avec Demain dès l'aube, un conte tout aussi trouble. Cette fois, le cinéaste-musicien s'immisce dans la vie de gens qui prennent des jeux de rôles très au sérieux...

Il y a des gens qui, parfois, prennent plaisir à se déguiser en personnages historiques pour usurper une autre identité le temps d'une fête. D'autres poussent toutefois l'exercice beaucoup plus loin.

Pour Demain dès l'aube, Denis Dercourt s'est inspiré d'un article publié il y a plusieurs années. On y relatait l'existence de groupes formés d'individus qui, en secret, délaissaient leur vie civile pour se donner rendez-vous dans des endroits plus champêtres. Là, ils reconstituaient «en vrai» des batailles historiques, particulièrement celles de la période napoléonienne.

Le récit de Demain dès l'aube se concentre sur le parcours de deux frères très liés dont l'aîné tentera de sortir son cadet, épris de jeux de rôles, d'un univers où la frontière entre le jeu et la réalité s'efface dangereusement.

Dercourt, qui signe ici son sixième long métrage, a fait appel à Vincent Perez et Jérémie Renier pour incarner à l'écran ce couple fraternel dont la trajectoire empruntera une voie plus inattendue.

«À une certaine époque de sa carrière, expliquait hier le cinéaste au cours d'une interview accordée à La Presse, l'image de Vincent a beaucoup été associée à des films «en costumes»: Cyrano de Bergerac, La reine Margot, Le bossu, etc. Il en est un peu las aujourd'hui. Je trouvais intéressant de choisir un acteur comme Vincent pour le personnage de Mathieu parce qu'il doit revêtir un costume d'époque malgré lui pour rejoindre l'univers dans lequel évolue son frère.»

Musicien de formation (il enseigne toujours au Conservatoire de Strasbourg), Denis Dercourt a construit le scénario de Demain dès l'aube comme s'il s'agissait d'une partition musicale. «Mes deux activités professionnelles sont cloisonnées, mais il est certain que l'une nourrit l'autre», fait remarquer le cinéaste.

Dercourt trace en outre certains parallèles entre des individus qui mettent leur vie de côté pour se plonger dans le passé, comme le font les adeptes de jeux de rôles, et les musiciens de formation classique.

«Particulièrement quand, comme moi, on provient du monde de la musique baroque, précise-t-il. Il faut en effet beaucoup se concentrer sur les données de la période pour interpréter cette musique. Ceux qui deviennent soldats à la faveur de jeux de rôles acquièrent aussi une connaissance très précise de l'époque dans laquelle ils plongent. Cela dit, on n'a pas nécessairement les mêmes obsessions!»

De la même manière que l'auteur cinéaste était parvenu à créer un climat de haute tension dans La tourneuse de pages, son film le plus célèbre, Demain dès l'aube distille aussi une atmosphère plutôt troublante.

«J'aime bien jouer avec le spectateur, explique le cinéaste. Le dénouement de l'histoire provoque d'ailleurs beaucoup de discussions. J'ai choisi celui que j'avais prévu au départ, mais j'en ai quand même tourné six différents pour être bien certain de mon coup!»

S'étant fait plus rare sur les écrans de cinéma depuis quelques années, Vincent Perez a bien entendu répondu à l'appel de Denis Dercourt.

«Il y avait longtemps qu'on ne m'avait pas proposé un rôle aussi intéressant, commente de son côté l'acteur. Plus les années passent, plus j'ai envie de sacraliser le cinéma. Je ne veux plus me contenter d'histoires qui ne me plaisent qu'à moitié. Demain dès l'aube, ça c'est une vraie proposition!»

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Demain dès l'aube est présenté aujourd'hui à 13 h au cinéma du Parc. Le film prend l'affiche en salle le 30 octobre.