Le «Hollywood tchèque» n'est plus, les immenses studios de cinéma vides de Barrandov à Prague évoquent le souvenir d'une gloire perdue.

Mission Impossible, Jeanne d'Arc, Blade II, The Chronicles of NarniaBrothers Grimm, Oliver Twist, Hannibal Rising, Hostel ou encore Casino Royale, on ne compte plus les films à gros budget tournés à Barrandov.

Ses professionnels expérimentés, magiciens de l'illusion, placent à présent tous leurs espoirs à Bruxelles où la Commission européenne doit décider bientôt de leur accorder ou non le moyen de séduire à nouveau les producteurs étrangers. 

L'un des plus anciens et des plus grands d'Europe, le studio inauguré en 1933 sur les hauteurs de Prague a toujours été réputé pour sa très haute qualité professionnelle.

Depuis quelque temps, ses prix ne sont toutefois plus attractifs pour les investisseurs étrangers.

«L'Allemagne, la Hongrie, la Grande-Bretagne et d'autres pays ont mis en oeuvre une politique d'encouragement du cinéma, ce qui s'est répercuté sur notre compétitivité», constate Ludmila Claussova de la Commission du Cinéma tchèque, chargée des productions étrangères.

«Le volume des dépenses réalisées en 2008 par les productions étrangères n'a atteint que quelque 15 % de celui de 2002. Des centaines de personnes ont perdu leur emploi ou ont été contraintes de chercher un autre travail», ajoute-t-elle, non sans amertume.

Un seul film étranger a été tourné à Prague en 2008, contre huit en 2006 et onze en 2003.

Confronté à ce déclin palpable, le gouvernement est passé à l'action en adoptant en octobre un programme de compensation à hauteur de 20 % des frais engagés par les productions étrangères.

Soutenu aussi par les députés, le projet attend le feu vert de l'UE. Les responsables de Barrandov attendent un oui définitif comme l'arrivée du Messie, qui va sauver leur «paradis perdu».

«Nous sommes en négociations sur un feuilleton de télévision européen et deux films américains. Le tournage peut commencer dès le feu vert européen», confie Jan Macola, responsable des acquisitions et du développement.

En attendant, Barrandov mise, selon lui, sur le tournage des publicités, un regain d'activité du cinéma national et de la télévision, avec notamment le récent lancement de la chaîne numérique télé Barrandov.

«Nous vivons du tournage des publicités», résume laconiquement Petr Cermak, intendant de ce vaste ensemble de bâtiments et terrains, en banlieue sud de Prague.

«Ici, Roger Federer et Claudia Schiffer ont récemment tourné des publicités», dit-il en montrant le studio Numéro 6 de 2000 mètres carrés, où les ouvriers montent déjà le décor pour le prochain tournage d'une publicité pour une marque de bière.

«Ce studio numéro 10 a été «baptisé» par Gérard Depardieu lors du tournage de Babylon A.D. La première partie de Chronicles of Narnia: The Lion, The Witch and the Wardrobe a vu le jour dans le numéro 8», poursuit-il.

Ses paroles résonnent à l'intérieur des studios ultramodernes 8, 9 et 10 qui disposent de cloisons amovibles permettant de les transformer en un gigantesque espace de 4000 m2. Construits à l'époque du grand boom, ils restent aujourd'hui désespérément vides.

Cette situation attriste l'historien Pavel Jiras. «Barrandov est un lieu magique qui n'a pas d'équivalent en Europe centrale», dit-il.

«C'est comme si quelqu'un voulait remplacer le Louvre ou la Galerie des Offices», déplore M. Jiras, à l'adresse des cinéastes qui passent à la concurrence.

Selon lui, les gens à Barrandov ont «un certain caractère joueur, un amour spécial pour ce métier». «Nous espérons que le travail va recommencer à plein régime et que Barrandov va à nouveau briller de tous ses feux», dit M. Jiras.