On ne sait trop comment se porte l'homme par les temps qui courent, mais à la lumière de ce que les festivaliers ont pu constater, le cinéaste, lui, semble être en forme.


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La première mondiale du nouveau film de Roman Polanski, The Ghost Writer, a eu lieu hier à Berlin, sans la présence du cinéaste, toujours assigné à résidence en Suisse. Dès le début de la plus courue des conférences de presse (plusieurs journalistes ont dû rebrousser chemin), le producteur Robert Benmussa a annoncé qu'il ne formulerait pas de commentaires sur l'aspect judiciaire de l'affaire Polanski. «Mais pour nous tous, il est très étrange de ne pas voir Roman à cette table. D'autant qu'il avait prévu dès le départ proposer son film à la Berlinale!»

Tiré d'un roman à connotation politique qu'a publié Robert Harris il y a quelques années, The Ghost Writer est avant tout un thriller. Le réalisateur de The Pianist avait envie de retrouver le genre après avoir offert des oeuvres plus «classiques»

Ewan McGregor incarne un auteur embauché pour coucher sur papier les mémoires d'un ancien premier ministre britannique (Pierce Brosnan), à la retraite depuis peu. La situation se corse quand le jeune homme découvre qu'un autre auteur fantôme, embauché pour exercer la même fonction, est mort dans des circonstances pour le moins nébuleuses.

À partir de ce point de départ, Polanski mène son récit d'une main très assurée afin d'en dévoiler progressivement toutes les zones d'ombres. Les atmosphères sont riches; la musique (Alexandre Desplats) est au diapason; et le cinéaste ne se gêne pas pour parsemer son film de touches d'humour bien acidulées, lesquelles font mouche chaque fois.

«Un tournage avec Roman, c'est intense! a lancé hier Pierce Brosnan. Et c'est très exaltant. J'ai été rassuré quand il m'a dit ne pas vouloir une imitation de Tony Blair! J'ai davantage vu ce premier ministre comme un personnage shakespearien. Comme un acteur qui joue à être premier ministre, en fait.»

De son côté, Ewan McGregor parle d'une expérience unique. «Roman est entièrement responsable de tous les aspects de son film, fait remarquer l'acteur écossais. Son empreinte est visible dans les moindres détails; il voit à tout. C'est pourquoi je trouve moi aussi son absence très étrange aujourd'hui. C'est un maître. Dans ce film, Roman est aussi responsable de ma performance d'acteur que je ne peux l'être moi-même. De tous les cinéastes avec qui j'ai eu l'occasion de travailler, il s'agit probablement du seul de qui je peux dire ça!»

The Ghost Writer
, qui prendra l'affiche à Montréal le 19 mars, est un thriller solide, magnifiquement livré par ses acteurs. Outre les deux protagonistes, Olivia Williams, Tom Wilkinson et Kim Cattrall offrent aussi de très belles compositions. Dommage qu'un coup de théâtre un peu appuyé vienne presque gâter la sauce à la fin. Cela dit, la trame - fictive - du film trouve quand même un écho dans l'actualité.

«Avec tout ce qu'on découvre en Grande-Bretagne maintenant, le film ressemble à un documentaire de plus en plus! ironise l'auteur Robert Harris. Les témoignages de Tony Blair devant les commissions; ce qu'on apprend à propos de l'alignement de son gouvernement sur les politiques de George Bush; tout cela fait en sorte que des liens bien étranges peuvent être établis avec ce qu'on raconte dans ce film!»