En couple dans la vraie vie, Christophe Lambert et Sophie Marceau sont réunis à l'écran dans L'homme de chevet, l'adaptation cinématographique d'Alain Monne d'après le roman d'Eric Holder, qui prend l'affiche aujourd'hui. L'histoire d'une rencontre improbable entre un homme en pleine déchéance et une femme paralysée, que tout devrait opposer. La Presse a discuté avec l'acteur et le réalisateur lors de leur passage à Montréal.

Pour beaucoup de cinéphiles, Christophe Lambert demeure le Tarzan de Hugh Hudson sinon l'immortel Connor MacLeod de Highlander. L'acteur, né aux États-Unis mais ayant grandi en Suisse, aura eu une carrière partagée entre les rôles américains et les rôles français, selon des choix impulsifs pas toujours heureux, mais qu'il ne regrette pas.

«Je revendique ces choix, les bons comme les moins bons, dit-il. J'ai toujours adoré les films que j'ai tournés. Ce que j'aime dans le métier d'acteur, c'est de pouvoir devenir plein d'autres personnes.»

Ces dernières années, il a surtout fait la manchette en France en tant que compagnon de l'une des enfants chéries du cinéma français, Sophie Marceau. Ils n'avaient tourné qu'une seule fois ensemble, dans La disparue de Deauville, avant d'accepter le projet d'Alain Monne. Car tourner en couple n'est pas une priorité pour eux, selon Christophe Lambert.

«On hésite toujours, parce qu'on n'est pas là pour exploiter un couple et se mousser médiatiquement. Nous avons refusé beaucoup de propositions. Mais le scénario de L'homme de chevet est tellement fort que je l'aurais fait de toute façon, même sans Sophie, et c'était la même chose pour elle.»

Il estime que l'expérience n'est cependant pas sans côté positif. «En tournant ensemble, nous sommes obligés de nous dépasser, parce que nous sommes obligés de surprendre une personne qui nous connaît tellement. Et le but de la vie, c'est de se surprendre! Les surprises dans la vie, surtout dans la vie d'un couple, c'est ce qu'il y a de plus important pour progresser.»

«Je n'ai jamais été inquiet, explique le réalisateur Alain Monne, dont c'est la première réalisation après avoir travaillé comme producteur. Ça peut être compliqué si le couple en question a la réputation de briser des assiettes, mais ce n'était pas le cas! Ce qui était important pour moi, c'est qu'il ne fallait pas qu'on sente dès le début l'amour que Christophe porte à Sophie.»

En effet, les obstacles à l'amour sont énormes dans L'homme de chevet. Léon (Christophe Lambert), un ancien boxeur en pleine dérive alcoolique, est engagé pour prendre soin de Muriel, une jeune femme paralysée jusqu'au cou après un grave accident. Son caractère insupportable fait fuir tout le monde, sauf Léon, qui trouve dans cette situation inusitée un nouveau souffle, voire une renaissance.

«Je crois qu'il s'inspire de la force de Muriel, dit Christophe Lambert. Il l'admire, et il se dit en la voyant qu'il y a plus malheureux que lui, et qu'il n'a pas le droit de s'enfoncer dans sa destruction. Le respect de cette femme lui rend le respect qu'il devrait avoir pour lui-même.»

Un amour à Carthagène

Une étonnante relation se noue entre Muriel et Léon, et le tout se déroule dans l'étrange beauté de la ville de Carthagène, en Colombie. Un choix du réalisateur, qui avait décidé depuis longtemps d'y transplanter l'histoire d'Eric Holder, qui se déroulait dans le roman à Aix-en-Provence.

«Le roman, dans son identité française, ne m'intéressait pas, explique-t-il, mais l'idée m'est revenue en 96, quand j'ai travaillé pendant sept mois dans cette ville. Je voyais quel film je pouvais tirer de ce mariage entre l'histoire et Carthagène. Les personnages sont des exilés vis-à-vis d'eux-mêmes, lui de sa tête, elle de son corps, et j'avais envie de trouver une ambiance, un cadre général qui me permette de travailler hors du temps. Dans le fond, c'est une romance au sens où on les faisait dans les années 50.»

Et la paralysie de Muriel n'est pas sans ajouter une énorme contrainte quant aux rapports physiques des personnages, ce qui renforce le romantisme puisque la sexualité est d'avance exclue. «Quand on dit que l'amour est aveugle, ça dit ce que ça veut dire, lance Christophe Lambert. Je crois qu'il ne faut pas s'arrêter à la première barrière, qui est assez superficielle, et qu'il faut aller chercher ce qui est derrière. Quand il n'y a pas ce côté plastique, on est obligé. Et c'est là qu'on peut rencontrer le vrai amour.»

«Il ne peut y avoir de sexe entre Muriel et Léon, c'est ça qui est original, estime Alain Monne. Ce qui est d'autant plus intéressant, parce que cela me permet de tricoter la sensualité et l'érotisme en périphérie. Le sexe, il est ailleurs, dans leurs yeux, et hors champ, dans cette ville très charnelle.»