Une récolte remarquable pour un film remarquable. Polytechnique a remporté hier soir à Toronto neuf prix Génie, dont la plupart des récompenses remises dans les catégories de pointe: meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario, meilleure actrice et meilleur acteur dans un rôle de soutien.

Un sacre logique et amplement mérité pour un film dur et bouleversant, brutal et nécessaire, d'une infinie finesse, sur la tragédie du 6 décembre 1989. «Ce fut une grande responsabilité et un privilège de faire ce film», a déclaré Denis Villeneuve profondément touché, en recevant le Génie de la meilleure réalisation, avant d'en appeler à davantage de soutien gouvernemental pour les jeunes cinéastes québécois et canadiens.

Il y a 10 ans, Denis Villeneuve avait remporté les prix Génie de la meilleure réalisation et du meilleur scénario pour Maelström. Il a remporté en 2008 celui du meilleur court métrage pour Next Floor.

En faisant triompher Polytechnique, l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision a un peu redoré le blason d'un gala terni par l'exclusion parmi ses finalistes - dans toutes les catégories - de J'ai tué ma mère de Xavier Dolan, par ailleurs lauréat du prix Claude-Jutra du meilleur premier film (déjà annoncé).

La 30e soirée des Prix Génie, diffusée sur une chaine câblée confidentielle, IFC, fut expéditive (une heure à peine), sans éclats, sans animateur, et largement sans surprise. Une série de bandes-annonces entrecoupées de quasi-célébrités canadiennes, plusieurs massacrant les noms des films et de leurs artisans (Atanarjuat est devenu Aratouinjaat). Il n'y a pas que deux solitudes...

«J'espère que nos films québécois pourront être vus au Canada anglais, et vice-versa», a dit avec à-propos le président du distributeur Alliance Atlantis Vivafilm, Patrick Roy, au moment de cueillir la Bobine d'or du film le plus populaire pour De père en flic. Comme on dit à Red Deer: «Don't hold your breath!»

Polytechnique n'a amassé qu'un maigre 48 000 $ au box-office du Canada anglais en 2009 (contre 1,6 million au Québec), même s'il a été tourné simultanément dans les deux langues officielles de Téléfilm Canada.

Très émue, retenant à peine ses larmes, Karine Vanasse a été sacrée meilleure actrice. «J'espère que vous ne regretterez jamais ce film», a déclaré à l'intention des familles des victimes de Polytechnique celle qui fut l'instigatrice de cet ambitieux et controversé projet.

Maxim Gaudette, très digne comme à la soirée des Jutra, a remporté de son côté le prix du meilleur acteur de soutien pour le rôle (jamais nommé dans le film) de Marc Lépine. Une performance d'une violence sourde qui aurait mérité, de l'avis général, une sélection dans la catégorie du meilleur acteur.

Ce dernier prix a plutôt été décerné à Joshua Jackson, pour One Week. L'ancienne vedette de Dawson's Creek n'a pas caché sa surprise de «gagner quelque chose». Et les présentateurs n'ont pu dissimuler leur joie de retrouver une vedette hollywoodienne dans l'assistance... Martha Burns a reçu le Génie de la meilleure actrice dans un rôle de soutien pour Love & Savagery.

En plus de dominer les catégories de pointe, Polytechnique a également été primé pour le son, le montage sonore, le montage tout en finesse de Richard Comeau et la direction photo sublime de Pierre Gill. On saluera en particulier la victoire de Jacques Davidts, auteur d'un scénario sobre et percutant, étrangement écarté par le jury des Jutra (il n'était même pas finaliste).

Le Québec, très bien représenté dans les différentes catégories, a aussi été récompensé avec deux prix Génie pour Grande ourse: la clé des possibles (meilleurs maquillages et musique originale), ainsi que le Génie du meilleur court métrage pour le magnifique Danse macabre de Pedro Pires.

Les 30es prix Génie

> Meilleur film : Polytechnique
> Meilleure réalisation : Denis Villeneuve, Polytechnique
> Interprétation masculine dans un premier rôle : Joshua Jackson, One Week
> Interprétation masculine dans un rôle de soutien : Maxim Gaudette, Polytechnique
> Interprétation féminine dans un premier rôle : Karine Vanasse, Polytechnique
> Interprétation féminine dans un rôle de soutien : Martha Burns, Love & Savagery
> Meilleur scénario : Jacques Davidts, Polytechnique
> Meilleure adaptation : Kari Skogland, Fifty Dead Men Walking
> Meilleures images : Pierre Gill, Polytechnique
> Meilleur montage : Richard Comeau, Polytechnique
> Meilleur son d'ensemble : Stéphane Bergeron, Pierre Blain, Jo Caron, Benoît Leduc, Polytechnique
> Meilleur montage sonore : Claude Beaugrand, Guy Francoeur, Carole Gagnon, Christian Rivest, Polytechnique
> Meilleurs costumes : Atuat Akittirq, Before Tomorrow
> Meilleurs maquillages : Djina Caron, André Duva, Grande Ourse: la clé des possibles
> Meilleure musique originale : Normand Corbeil, Grande Ourse: la clé des possibles
> Meilleure chanson originale : John Welsman, Cherie Camp, Oh Love (du film Nurse.Fighter.Boy)
> Meilleur long métrage documentaire : A Hard Name, Alan Zweig, Kristina McLaughlin, Michael McMahon
> Meilleur court métrage documentaire : The Delian Mode, Kara Blake, Marie-Josée Saint-Pierre
> Meilleur court métrage dramatique : Danse macabre, Pedro Pires, Catherine Chagnon
> Meilleur court métrage d'animation : Runaway/Train en folie, Cordell Barker, Derek Mazur, Michael Scott
> Prix spéciaux Grand prix de l'Académie : Mel Hoppenheim
> Prix Claude-Jutra : Xavier Dolan, J'ai tué ma mère
> Bobine d'or : De père en flic