Le cinéaste sud-coréen Im Sang-soo filme la lutte des classes sur l'oreiller dans The Housemaid, une fiction sensuelle, élégante et corrosive, entrée vendredi dans la course à la Palme d'or au 63e Festival de Cannes.

Remake du film éponyme de Kim Ki-young sorti en 1960, The Housemaid marque le retour à Cannes de la comédienne Jeon Do-youn, deux ans après son prix d'interprétation pour Secret Sunshine de Lee Chang-dong.

Cette fiction à la photographie sophistiquée revisite les amours ancillaires qui ont souvent inspiré littérature et cinéma.

Euny (Jeon Do-youn), une jeune femme gaie et naïve aux origines populaires, est embauchée par une riche famille dont la femme attend des jumeaux, pour s'occuper de leur fillette.

Chaperonnée par une sèche gouvernante Byung-shik (Youn Yuh-jung) entre deux âges, Euny est rapidement subjuguée par le raffinement de cette famille cultivée, qui vit dans une luxueuse demeure néo-classique.

Un soir, elle se laisse séduire par le mari, Hoon (Lee Jung-jae) venu la rejoindre dans son lit, une bouteille de grand cru à la main...

Élégante, la caméra d'Im Sang-soo glisse avec fluidité à l'intérieur de la maison, s'insinuant dans les moindres recoins, passant des pièces nobles du rez-de-chaussée à la chaude intimité des chambres de bonne, à l'étage.

Dans des scènes feutrées et ambigües, le cinéaste capte l'intensité érotique contenue dans les échanges de regards, née de la constante proximité des corps entre les domestiques et leurs patrons.

«J'aime ce sale boulot», susurre Euny qui lave à la main les culottes de sa maîtresse aux allures de poupée de porcelaine.

Abruties de travail, les domestiques volent des instants de volupté, avalant à la va-vite les restes des mets de choix qu'elles ont confectionnés pour le dîner ou se baignant en cachette dans la luxueuse baignoire de la maison.

Im Sang-soo montre une ancestrale logique d'exploitation, à peine adoucie par le vernis de l'éducation : «Mon père m'a appris à traiter les autres avec respect. Cela montre que nous sommes supérieurs», lance la fillette à Euny.

Cette glaçante lutte des classes se double d'une lutte des sexes : l'homme règne sans partage sur toutes les femmes de la maison - domestiques, épouse, belle-mère - et la sexualité, où la femme conserve l'ultime pouvoir, celui de se refuser au désir de l'homme, est l'arme suprême d'une guerre sans merci.

Remarquable d'ambiguïté, Youn Yuh-jung campe une gouvernante qui accomplit à la perfection son rôle de rouage du pouvoir, tout en haïsssant profondément un emploi qu'elle juge dégradant.

«A-dé-mé-chi !» hurle-t-elle une fois seule, une expression formée par la contraction des quatre adjectifs «affreux, dégoûtant, méprisable et chiant».

«Mon film est très érotique, il y a beaucoup de suspense et à la fois, ces femmes font très peur», a déclaré Im Sang-soo à la presse à Cannes.

Mais lorsque la jeune bonne tombe enceinte, cet ordre vole en éclats et l'affrontement apparaît dans toute sa violence crue.

Le final, surréaliste et baroque, surprend le spectateur.

??48 ans, Im Sang-soo qui fut l'assistant de Park Jong-won et Im Kwon-taek a signé une demi-douzaine de longs métrages dont Une femme coréenne sélectionné à la Mostra de Venise en 2003 et The President's Last Bang montré à la Quinzaine des réalisateurs, manifestation parallèle cannoise, en 2005.

The Housemaid est l'un des 19 titres en compétition pour la Palme d'or au Festival de Cannes (12-23 mai) qui a démarré mercredi.