Plusieurs ont vu dans Les amours imaginaires une parenté avec le cinéma de Pedro Almodovar. Sans doute en raison des tenues flamboyantes de Monia Chokri, magnifiée dans le regard de Dolan, qui la filme avec amour et élégance.

«C'est vrai que Xavier me filme avec un amour qui semble inconditionnel, dit l'actrice, qui devrait être de la distribution de Lawrence Anyways. Il m'a fait confiance et j'avais envie d'honorer cette confiance. Il y beaucoup d'actrices qui aimeraient être dans mes souliers. C'est rare d'avoir d'aussi beaux rôles au cinéma.» 

L'influence de Wong Kar-waï me semble plus évidente. Pas seulement pour «l'abus de ralenti» (l'expression est de Dolan), mais pour le soin précis apporté au détail stylistique, à la direction artistique, ainsi qu'à la musique. Celle des Amours imaginaires, parfaitement intégrée, fait une place à des artistes aussi variés que Dalida, The Knife, Renée Martel et Indochine. «Les époques s'entrechoquent. C'est ce côté obsolète et suranné que j'aime», dit le réalisateur.

M'est aussi venue à l'esprit l'oeuvre d'un autre cinéaste. Comme une bouffée d'air frais dans le faux triangle amoureux malsain des protagonistes, Xavier Dolan a eu l'idée, dès le début de l'écriture de son scénario, d'entretiens avec de multiples personnages sur les aléas de la déception amoureuse. L'occasion de nombreux dialogues truculents teintés d'humour caustique, comme Dolan en a le secret, qui permettent de découvrir autant de jeunes acteurs méconnus (Anne-Élizabeth Bossé, notamment) et rappellent le cinéma de Woody Allen.

«Les acteurs (Eric Bruneau, Bénédicte Décary, entre autres) m'ont fait le cadeau de leur naturel, dit le cinéaste. C'est une histoire qui est plurielle. Ce film est vraiment le résultat d'un travail d'équipe.»

Auréolé de sa deuxième participation au Festival de Cannes en autant d'années (il était le seul Québécois à présenter un long métrage sur la Croisette en mai), Xavier Dolan proposera la semaine prochaine son nouveau-né au public québécois avec un mélange d'excitation et d'appréhension. «Ce n'est pas seulement un film pour moi. C'est un autoportrait. C'est tout ce que je suis capable de faire et que je comprends. Les gens pourraient véritablement mieux me connaître en voyant mes films qu'en me fréquentant.» Il a déjà la tête à son prochain projet, ce Lawrence Anyways dont le scénario était prêt avant même la présentation à Cannes de J'ai tué ma mère. Cette histoire d'un homme qui veut changer de sexe devrait être tourné, pour quelque 7 millions de dollars, aux États-Unis, au Québec et en France à compter de l'hiver prochain.

«À Cannes, j'ai réalisé un truc inconscient, dit-il. Je me suis mis à penser, et ça me plaisait de le penser, que J'ai tué ma mère est une oeuvre sur l'amour adolescent, que Les amours imaginaires est un film sur l'amour de jeunesse, et Lawrence Anyways, un film sur l'amour adulte. Il n'y avait aucune intention de trilogie, mais finalement, si la trilogie s'est imposée d'elle-même, d'accord et on va faire un coffret! (rires)»

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