Bravons les préjugés et rions! En redonnant au vaudeville et au burlesque ses lettres de noblesse, Cabotins, long métrage réalisé par Alain Desrochers et mettant en vedette Rémy Girard, tente de faire un pied de nez aux snobs et aux puritains de ce monde.

Cabotins raconte en quelque sorte une histoire de has been, ces artistes qui ont goûté à la popularité dans une autre vie et qui espèrent faire un retour sur scène en recréant la magie d'antan. Ainsi, Lady Moon, travesti en deuil incarné par Yves Jacques, Lucie, éternelle comique et chanteuse jouée par Dorothée Berryman, et Roger, crooner du groupe - puisqu'il en faut un - interprété par Gilles Renaud, ne sont pas montés sur scène depuis 10 ans. Leur rêve: retrouver leur public, les planches et... les loges. Et voilà que leur ami Marcel (Rémy Girard), artiste de variétés déchu, qui cherche un moyen d'éponger ses dettes, leur propose de monter un spectacle «comme dans l'temps». Ils acceptent l'invitation de leur compagnon d'armes à condition que Pedro (Pierre-François Legendre), fils de Marcel, se joigne au quatuor.

En revenant à leurs anciennes amours, les quatre vieux complices, fiers du milieu de l'art populaire et du burlesque dont ils sont issus, seront toutefois confrontés au snobisme de ceux qui ne jurent que par le théâtre classique et qualifient le vaudeville de vulgaire. Le tout se déroule dans un décor de 1985, époque où les téléphones avaient encore des fils et où les meubles en mélamine blanche faisaient partie du mobilier de la majorité des chaumières.

«Ce film-là, c'est une déclaration de guerre aux cuistres et aux puritains!» lance d'emblée le scénariste de Cabotins, Ian Lauzon, qui a auparavant signé les textes de Piché: entre ciel et terre ainsi que de la comédie De père en flic.

Interviewé récemment dans le cadre d'une rencontre médiatique organisée avec les artisans du film au cabaret La Tulipe, connu auparavant sous le nom de Théâtre des Variétés, véritable temple de la comédie à Montréal, Ian Lauzon affirme qu'il voulait lancer un message clair à travers cette comédie.

«Ne boude pas ton fun. N'écoute pas Martine St-Clair en cachette», dit-il en faisant référence au personnage de Mélanie (Marie-Ève Milot), une jeune femme devenue snob par défaut qui se cache pour écouter Il y a de l'amour dans l'air, grand succès de Martine St-Clair, tout en étant fermement convaincue que Marcel le comique est un être sans culture.

Si l'action du film se situe en 1985, époque où l'on sent un réel mépris de la part d'une certaine élite pour l'art populaire, Lauzon estime qu'il y a encore aujourd'hui «des survivances de ce snobisme. Par exemple, dit-il, certains critiques vont lever le nez sur l'humour. Quand on n'écoute pas les humoristes, qu'on ne va pas voir leur spectacle et que l'on voit des extraits à la télé ou dans un show de variétés où l'on se tape les cuisses, on peut avoir l'impression que c'est une bande de débiles légers. Mais va voir un show de Louis-José Houde, c'est très drôle et très profond».

Alain Desrochers

Le réalisateur Alain Desrochers (La bouteille) en rajoute. Selon lui, en plus de l'humour, ce snobisme s'étend à d'autres secteurs comme la musique et le cinéma. «Dans ma communauté artistique de réalisateurs, on me juge parce que j'ai fait un film d'action qui s'appelle Nitro, raconte-t-il. Les gens ne me parlent plus de la même façon.»

Idem pour le théâtre d'été, poursuit Louis Morissette, qui incarne dans Cabotins le rôle de Stéphane Granger, à la fois maire d'une municipalité, directeur de banque et journaliste. «Un acteur va dire que s'il joue au théâtre cet été, c'est parce qu'il n'avait pas de série, pas de rôle. S'il se sent jugé, il va tout de suite se justifier», déplore-t-il.

Ceux qui ont travaillé à la réalisation de ce film ne se sentent visiblement pas mal à l'aise d'avoir contribué en quelque sorte à rendre hommage aux Gilles Latulippe, Gratien Gélinas et Olivier Guimond de ce monde. «On a fait ça de très bon coeur», assure Rémy Girard, qui semble garder un souvenir impérissable de ce tournage, tout comme sa consoeur Dorothée Berryman. Cabotins est produit par Jacques Bonin de Novem. Le film, qui met également en vedette Gaston Lepage et Guy Nadon, prendra l'affiche le 23 juillet.