Décidément, c'est le mois John Lennon. Après la flopée de rééditions musicales lancées la semaine dernière par la compagnie EMI, voici qu'arrive le film Nowhere Boy, près d'un an après sa sortie en Grande-Bretagne.

Réalisée par l'artiste/photographe Sam Taylor-Wood, cette «fiction biographique» relate les années d'adolescence du futur Beatle à Liverpool. Une période difficile pour le jeune homme, qui cherchait alors sa place dans le monde.

Tiraillé entre son autoritaire tante Mimi (Kristin Scott Thomas), qui l'élevait depuis l'âge de 5 ans, et sa festive mais irresponsable maman Julia (Anne-Marie Duff), le John de cette époque (Aaron Johnson) était effectivement un «garçon perdu». Il ne connaissait pas son père et vivait une grosse crise identitaire, nourrie par le secret et le malaise familial. Le film raconte comment le rock'n'roll servira d'exutoire à sa colère, avant de devenir pour lui une plateforme de lancement planétaire.

Un vrai film

Sam Taylor-Wood, qui en est ici à sa première expérience de long métrage, admet avoir été séduite par la charge dramatique de cet épisode moins connu de la vie de Lennon. Selon elle, cette histoire est d'autant plus «émouvante et douloureuse» qu'elle fut vécue par un personnage que nous aimons tous.

Autant de raisons pour la reconstituer sobrement et sans artifice. Loin des oeuvres d'art contemporain auxquelles elle nous a habitués jusqu'ici (voir la vidéo de David Beckham endormi), Nowhere Boy est en effet un film de facture classique, qui se distingue par la force de son scénario et le talent de ses acteurs. «Faire un film d'art aurait été complaisant, résume la réalisatrice. J'ai préféré raconter tout cela de la façon la plus directe possible.»

Sam Taylor-Wood s'est beaucoup documentée pour faire un portrait juste du Lennon adolescent. Elle a aussi écrit à Yoko Ono et à Paul McCartney pour obtenir quelques tuyaux. Leurs réponses ont été généreuses. «Yoko m'a donné des détails très significatifs sur sa relation avec sa tante Mimi. Elle voulait être certaine que j'allais dans la bonne direction. McCartney, lui, m'a surtout donné des informations sur l'équipement et les instruments utilisés par les Quarrymen (la première incarnation des Beatles, ndlr). Il m'a aussi parlé des manies de John. À quel point il ne voyait rien sans ses lunettes, et comment cela les faisait rire.»

Quant à l'acteur principal, il a été choisi pour son énergie, bien plus que pour son apparence physique. L'idée, explique la cinéaste, n'était pas d'embaucher un imitateur de Lennon, mais plutôt quelqu'un avec la même intensité. Non seulement Aaron Johnson répondait-il aux exigences, dit-elle, mais il a aussi porté le poids de son personnage avec une surprenante assurance.

Un bébé avec John

Sorti en décembre dernier au Royaume-Uni, Nowhere Boy a récolté des critiques élogieuses, mais s'est fait voler la vedette au box-office par Avatar, qui prenait l'affiche en même temps. «Nous avons été piétinés par de grands bonshommes bleus!» lance Taylor-Wood, bonne joueuse, en évoquant cet échec commercial.

Ironiquement, sa liaison avec Aaron Johnson fut beaucoup plus «populaire» que le film lui-même. La cinéaste de 43 ans et l'acteur de 19 ans ont en effet commencé à se fréquenter pendant le tournage et le couple a eu son premier enfant l'été dernier.

Il n'en fallait pas plus pour émoustiller la presse à potins britannique qui, au grand dam de la principale intéressée, a abondamment parlé de cette histoire d'amour entre une femme mûre et un jeune-homme-en-âge-d'être-son-fils. «Je me serais bien passée de cette publicité, confirme la réalisatrice, qui aurait sans doute plus à dire sur les deux cancers qu'elle a combattus. Espérons qu'on n'en fera pas tout un plat chez vous.»

Espérons, surtout, que ce vibrant petit film remportera ici le succès qu'il n'a pas eu chez lui. «Qui sait? conclut Sam Taylor-Wood. Comme John Lennon, Nowhere Boy pourrait peut-être connaître une deuxième vie en Amérique.»