Depuis 25 ans, par la grâce d'un scénariste hollywoodien ayant fait fortune à la télévision, l'Académie des arts et des sciences du cinéma, organisatrice des Oscars, offre chaque année à une poignée d'élus le luxe d'écrire un scénario de cinéma, libérés de tout souci d'argent.

Don Nicholl, scénariste et producteur de séries télévisées à succès dans les années 70 - notamment Three's Company, série culte aux États-Unis -, caressait le souhait de permettre à des scénaristes prometteurs, quel que soit leur âge, d'exercer leur art sans avoir à jongler entre les petits boulots comme le voudrait la tradition hollywoodienne.

Après sa mort prématurée d'un cancer à l'âge de 54 ans, c'est sa veuve Gee qui approcha en 1985 l'Académie des arts et des sciences du cinéma, pour lui proposer de financer une bourse annuelle destinée aux scénaristes.

Ainsi naquit la Bourse Nicholl (Nicholl Fellowships), dotée aujourd'hui de 30 000 $, en échange desquels les heureux lauréats s'engagent à écrire un nouveau scénario de long métrage l'année suivant leur distinction.

Les cinq lauréats 2010 - Destin Daniel Cretton, Marvin Krueger, Andrew Lanham, Micah Ranum et Cinthea Stahl - ont été désignés cette semaine au cours d'un dîner de gala dans un hôtel de Beverly Hills, devant un parterre de scénaristes et de professionnels, pour la plupart membres de l'Académie.

«La bourse a marqué le début de ma carrière professionnelle», raconte à l'AFP Doug Atchison, lauréat en 2000 avec le scénario Akeelah and the Bee, qu'il a depuis réalisé. «C'était un encouragement, une sorte de confirmation que j'avais choisi la bonne voie», ajoute-t-il.

«Très souvent, on travaille en solitaire et dans des conditions difficiles. C'est dur d'écrire un bon scénario et au début on tâtonne, on n'est pas sûr d'y arriver. Avec la bourse, j'ai senti que je pouvais me lancer avec confiance dans ce métier», poursuit-il.

Outre une relative tranquillité financière, la Bourse Nicholl offre un contact privilégié avec les décideurs et les forces vives d'Hollywood, tous peu ou prou membres de l'Académie. D'où la liste impressionnante de films écrits ou réalisés par d'anciens lauréats, de Mean Creek à The Virgin Suicides, en passant par Erin Brockovich, The Ring ou le très récent Secretariat.

Mais pour Cinthea Stahl, lauréate 2010 avec le scénario Identifying Marks, le plus important c'est «la reconnaissance».

«Les auteurs vivent dans la solitude. C'est de là que naissent les histoires», déclare-t-elle à l'AFP. «Alors quand quelqu'un vous dit, un jour, que votre travail a un sens, qu'il est émouvant et puissant, c'est un encouragement incroyable», observe-t-elle.

Pourtant, ils sont nombreux à ne jamais recevoir l'enveloppe de l'Académie, frappée du légendaire Oscar, leur annonçant la bonne nouvelle... Cette année, pas moins de 6304 scénarios avaient été envoyés au comité de sélection.

Mais on peut échouer à la Bourse Nicholl et faire une superbe carrière, comme en témoignait Michael Arndt, scénariste oscarisé pour Little Miss Sunshine - un script rejeté par le comité Nicholl dès le premier tour.

Il a cependant assuré, en présentant les lauréats, qu'il devait beaucoup au directeur du comité Nicholl, qui avait ajouté à la main, dans la lettre de rejet d'un autre de ses scripts recalés: «Quelqu'un a VRAIMENT aimé votre scénario».

«C'est le premier encouragement que j'ai reçu de quiconque», a-t-il dit. «Je ne serais probablement pas scénariste et Little Miss Sunshine n'existerait pas aujourd'hui si Greg Beal n'avait pas, il y a plusieurs années, pris un moment pour écrire ces quelques mots d'encouragement à un scénariste en difficulté».