Jean Van de Velde rêvait de tourner en Afrique. Il y est parvenu avec L'armée silencieuse, long métrage de fiction consacré aux enfants-soldats. Prix du meilleur long métrage au Festival du film black de Montréal, le film sort maintenant en salle. Rencontre avec le réalisateur.

Le réalisateur Jean Van de Velde a tourné une dizaine de longs métrages. D'un à l'autre, un thème récurrent revient: la perte de l'innocence. Or, dit-il, jamais ce thème n'a été aussi criant que dans son plus récent opus, L'armée silencieuse.

On ne saurait le contredire face à cette histoire d'enfants-soldats enrôlés dans une armée rebelle en cavale dans les forêts africaines et transformés en machines à tuer. Si l'histoire est une fiction, elle s'abreuve largement à une réalité devant laquelle l'Occident détourne le plus souvent le regard.

Partout, dans les pays du tiers-monde, dit Van de Velde, des enfants sont enrôlés de force par des rebelles - souvent après avoir été enlevés - et deviennent de redoutables soldats.

«Il a été constaté par des organismes comme Amnistie internationale et l'ONU que la situation s'améliore. Mais à chaque nouvelle guerre dans les pays pauvres, les jeunes sont recrutés, affirme Van de Velde. Les enfants ne coûtent pas cher, mangent peu, sont influençables, n'ont peur de rien et font ce qu'on leur demande. En plus, les armes sont tellement légères et faciles à utiliser.»

Vedette de la chanson

Né à Bukavu au Congo, Jean Van de Velde rêvait depuis longtemps de tourner un film sur l'Afrique. L'occasion est venue lorsque Marco Borsato, chanteur très connu aux Pays-Bas et ambassadeur de l'organisme War Child International, lui propose le sujet des enfants-soldats.

«Au Pays-Bas, Marco Borsato remplit des stades, dit Van de Velde. Il attire plus de gens que U2. C'est notre Céline Dion. Par le passé, il a été souvent sollicité pour faire des films musicaux, mais ça ne l'intéressait pas. Je l'ai convaincu de jouer le rôle principal. Je lui ai dit qu'on attirerait ainsi des fonds publics afin de boucler le montage financier.»

Six mois plus tard, les fonds nécessaires (10 millions) étaient amassés...

L'armée silencieuse raconte l'histoire d'Eduard (Borsato), restaurateur veuf, et de son fils de 9 ans, Thomas. Ils partent à la recherche d'Abu, ami du garçon et fils d'une employée du restaurant. Enlevé par des rebelles, Abu doit accomplir les pires atrocités pour rester en vie. Lorsque Eduard et Thomas le retrouvent, bien des choses ont changé.

«Je voulais que mon film touche à la fois à l'aventure et à l'émotion, dit Van de Velde. À travers cela, je voulais parler des enfants-soldats et de mes propres opinions sur l'Afrique, sur les relations entre Blancs et Noirs, etc. Je les ai fait passer à travers certains caractères. Comme avec un personnage journaliste lorsqu'il dit que l'Afrique est le terrain de jeu des Blancs pour y exprimer la suprématie de leur morale.»

Afrique

Imprégné de l'Afrique, Van de Velde voulait éviter à tout prix de filmer le continent noir sous un angle commercial et touristique. «J'ai des réserves avec des films tels Le diamant de sang et Hôtel Rwanda qui ne respirent pas l'Afrique, dit-il. Ils sont tournés en Afrique du Sud qui est le Disneyland du continent. Alors que dans La constance du jardinier, chaque plan respire l'Afrique.»

Le tournage a principalement eu lieu en Ouganda avec des scènes de jungle captées en... Afrique du Sud. Dans le film, le personnage du chef des rebelles, Michel Obeke, est inspiré de Joseph Kony, leader de l'Armée de résistance du Seigneur qui sévit dans le nord de l'Ouganda depuis de nombreuses années.

Présenté au Festival de Cannes dans la section Un certain regard, L'armée silencieuse a ouvert l'été dernier le Festival du film black de Montréal et y a remporté le prix du meilleur film. Il a été présenté dans de nombreuses organisations, y compris l'ONU. «Quiconque verra le film ne pourra jamais dire qu'il ne savait pas», assure Jean Van de Velde.

L'armée silencieuse est à l'affiche.