Avec leurs 1700 habitants en provenance de 70 pays, leurs 500 jeunes et leurs familles au revenu annuel moyen de 12 000 $, les Habitations Jeanne-Mance constituent un cas unique. 

Enclavées entre le boulevard De Maisonneuve et les rues Ontario, Sanguinet et Saint-Dominique, elles forment le plus grand complexe d'habitations à loyer modique du Québec. 

La journaliste et documentariste Isabelle Longtin est allée à la rencontre de leurs occupants. Entrez donc, ils sont sympathiques...

Q : Qu'est-ce qui a motivé ce tournage?

R : Durant l'été 2003, j'ai travaillé au centre communautaire d'un HLM dans Ahuntsic-Cartierville et je me suis rendu compte qu'il n'y avait que des Néo-Québécois. Je me suis interrogée sur leur diversité culturelle. J'avais le goût d'aller voir les gens derrière les portes de chaque logement. Par la suite, j'ai déménagé près des Habitations Jeanne-Mance et j'y ai retrouvé la même réalité. Je me suis demandé qui y habitait, quelle était l'histoire de ces gens. Et comment les jeunes vivent, à cheval entre traditions familiales et modernité québécoise.

Q : Ce que vous y avez découvert était-il différent de ce que vous imaginiez?

R : Ce qui était fascinant est que, chaque fois qu'on franchissait le palier d'une maison, on arrivait dans un autre pays. C'était un mini-voyage. J'ai aussi compris pourquoi il y a tant d'immigrants aux Habitations Jeanne-Mance: les logements sont très grands pour les familles, et les familles nombreuses sont de plus en plus issues de l'immigration.

Q : Votre film a de grandes qualités cinématographiques...

R : J'ai toujours trouvé que ce lieu est excessivement cinématographique. Il y a une très belle dualité entre l'extérieur des bâtisses, qui sont grises, urbaines et bétonnées, et l'intérieur des logis, très colorés et chaleureux, à l'image des pays d'origine des habitants. J'ai voulu exposer ce contraste entre intérieur et extérieur.

Q : Vous n'êtes pas tombée dans la complaisance envers les gens filmés.

R : C'était incontournable. On imagine les Habitations Jeanne-Mance comme un ghetto, un îlot de pauvreté. Je ne pouvais ni ne voulais passer à côté de cette réalité. Il y a quelques années, elles ont été un haut lieu de vente de drogue. Aujourd'hui, il y a un service de sécurité très imposant pour que la vente de drogue n'y revienne pas. L'idée est d'occuper le territoire. De plus, d'importants efforts sont faits pour rassurer les locataires et leur donner une meilleure qualité de vie. Il y a beaucoup d'organisations communautaires pour aider les gens.

Q : Quel est l'avenir des Habitations Jeanne-Mance?

R : D'après moi, la situation est au beau fixe. Il y a eu beaucoup de questionnements à savoir si c'était un lieu convenable pour du logement social. D'autre part, ces terrains sont très convoités. Mais il y a comme une aura autour des Habitations. Les administrateurs disent qu'elles sont là pour rester et de plus en plus de partenariats se font avec les organismes voisins. Il y a un bon ancrage.

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Le plan (précédé du court métrage Voleuse de poussière) est présenté ce soir à 20 h à la Grande Bibliothèque dans le cadre des Rendez-vous du cinéma québécois, puis du 3 au 6 mars à la Cinérobothèque de l'ONF.