En proposant le texte du film d'animation Sarila à la réalisatrice Nancy Florence Savard, au tournant des années 2000, les scénaristes Roger Harvey et Pierre Tremblay lui ont suggéré d'en faire une oeuvre 3D. Mme Savard leur a dit que cela nécessiterait de longues années de travail. C'est maintenant presque chose faite. Cette semaine, des comédiens de renom, tous d'origine canadienne, ont enregistré les voix des personnages principaux. Et ce, avant que le film soit réalisé. Voici pourquoi.

Dans un studio de la maison Technicolor, rue Sainte-Catherine, les comédiens Dustin Milligan, Rachelle Lefevre et Tim Rozon sont alignés devant des micros, scénario sous les yeux. Incarnant Markussi, Apik et Putulika, les trois meilleurs amis du monde dans le conte innu Sarila, ils lisent leurs lignes en ponctuant chaque mot d'innombrables exclamations. Ils rient, s'étonnent, affirment, constatent, se relancent avec une bonne dose d'énergie.

Dans cette histoire, ils sont des adolescents qui partent de leur village pour se rendre à Sarila, terre promise où ils vont chercher de la nourriture pour leurs compatriotes affamés. Mais tout n'est pas triste dans cette histoire, comme le laisse voir l'extrait présenté. Le rire de Rachelle Lefevre est cristallin, émerveillé, amusé comme celui d'un enfant qui déboule une colline dans la neige. Pas très loin d'eux, la comédienne Geneviève Bujold (Saya) et l'acteur innu Natar Unqalaq (Ukpik) observent la scène. Il ne manque que Christopher Plummer (Croolik), dont la voix sera captée chez lui, au Connecticut.

Pas de doute, la version anglophone de Sarila est en marche. Après ces enregistrements, il ne restera plus... qu'à faire le film! Car, dans ce projet de long métrage d'animation 3D de 80 minutes, l'enregistrement précède la création des images.

«Ici, les acteurs n'ont à se soucier de rien. Car ce sont eux qui seront la voix originale», expose Nancy Florence Savard, directrice, productrice et dirigeante de la boîte 10e ave, de Québec. En d'autres termes, dit-elle, les comédiens tracent le sillon. «À partir du scénario, ils jouent la voix comme ils le sentent. Par la suite, les animateurs vont interpréter ce jeu-là et faire bouger les personnages en conséquence.»

D'un personnage à l'autre, Mme Savard voulait des voix avec des tonalités différentes. «Par exemple, dit-elle, je souhaitais une voix enjouée, rigoleuse, un peu impétueuse, mais avec un grand coeur pour interpréter Apik. Rachelle représentait très bien ce type.»

«Dans un sens, nous avions beaucoup plus de liberté», indique la Montréalaise Rachelle Lefevre, qui en est à sa première expérience d'animation. L'interprète de Clara dans Le monde de Barney et du vampire Victoria dans les deux premiers Twilight estime que cette façon de travailler permettait de faire beaucoup de suggestions. «On prend des intonations qui vont avec nos idées. À partir de celles-ci, les animateurs peuvent dessiner n'importe quoi», dit-elle.

Voyage initiatique

Film familial tourné en format 3D stéréoscopique, Sarila est un voyage initiatique qui se déroule en 1910. Dans un campement innu, les chasseurs reviennent bredouilles jour après jour. À la suite de la recommandation d'un corbeau, trois jeunes sont choisis pour partir à la recherche d'un endroit où abonde la nourriture.

«Une phrase dans le scénario dit que, pour entrer à Sarila, ton coeur doit être pur. C'est à la fois simple et très beau, dit Tim Rozon, Montréalais d'origine. Nous avons tellement besoin de simplifier les choses dans nos vies.»

Né à Yellowknife, Dustin Millingan (Ethan Ward dans 90210) ne pouvait rater tel rendez-vous. «J'ai grandi dans la culture innu, dit-il. C'est quelque chose d'intégré dans toutes les facettes de la vie des gens là-bas.»

Son personnage, Markussi, est un jeune chaman mal à l'aise face à son pouvoir de parler aux animaux. «C'est Saya, sa mère adoptive, qui le pousse à utiliser ses pouvoirs et à accepter qui il est. Lorsque nous avons répété la scène, l'émotion est devenu très élevée dans le studio», dit le jeune homme.

«Saya est une femme qui a cultivé l'art de guérir avec les plantes, dit Mme Bujold en entrevue à La Presse. Elle travaille et consulte aussi de petits os blancs qu'elle lance au sol. La disposition des os la guide quant à l'avenir.»

Elle aussi à sa première expérience d'animation, la comédienne rappelle à quel point la voix est importante au cinéma. «C'est pour cela que plusieurs acteurs, après s'être vus pour la première fois au cinéma, ne se disent pas qu'ils ne sont pas beaux, mais qu'ils n'ont pas cette voix-là. Autant que l'image, la voix joue un rôle archi-important dans un film.»

Nancy Florence Savard a «une bonne idée» des comédiens qui seront les voix francophones du film. Mais le choix définitif n'a pas encore été fait. Le film sortira en salle fin 2012 ou début 2013.