Après des années d'attente, le nouveau film de Terrence Malick a enfin été mis au monde à Cannes. Malgré sa somptuosité, The Tree of Life n'a pas suscité un enthousiasme immédiat. Mais Brad Pitt était là...

The Tree of Life est le film le plus attendu du Festival de Cannes. Il est aussi celui sur lequel les cinéphiles fantasment depuis maintenant quelques années. D'autant que son auteur, Terrence Malick, s'est fait trop rare au cours des dernières décennies. Les espoirs étaient si grands que pour être à la hauteur et rafler la mise auprès des festivaliers, le réalisateur de Days of Heaven et de The Thin Red Line ne pouvait se permettre rien d'autre qu'un chef-d'oeuvre incontestable, dont l'évidence se révèlerait dès la montée du générique de fin.

Mais à l'impossible nul n'est tenu. À la toute première projection du matin, des applaudissements polis ont tenté de couvrir tant bien que mal les huées - non méritées - que des esprits chagrins ont spontanément lancées. Non, le nouveau film de Terrence Malick n'est pas un chef-d'oeuvre instantané. Il ne s'adresse pas non plus directement au coeur du spectateur. Son effet est plus diffus, plus souterrain. Et défie les lois simplistes du «j'aime, j'aime pas».

Film très ambitieux, The Tree of Life est un conte philosophique où s'entrecroisent l'infiniment petit et l'immensément grand. Les drames vécus par une famille texane des années 50 d'un côté, la création de l'univers de l'autre. Et le parcours d'un homme d'aujourd'hui se débattant avec ses propres démons comme point de convergence. À partir des souvenirs d'enfance de Jack O'Brien (interprété par Sean Penn à l'âge adulte), dont l'enfance s'est déroulée sous l'emprise d'un père aimant, mais autoritaire et colérique (Brad Pitt), se déploient les origines du monde.

Le big bang et une petite cellule familiale s'entrechoquent. Et s'inscrivent dans le cosmos dans un grand cycle infini. La vie donne naissance à l'amour. Et l'amour à la vie. Avec ses secousses sismiques intérieures. C'est la nature. La quête spirituelle de l'auteur cinéaste est visiblement indissociable de la religion. Très présente ici. Pour ne pas dire insistante.

Extraordinaire sur le plan visuel, The Tree of Life est parsemé de moments immenses de cinéma. Malick se fait lyrique, appuyé par une partition symphonique grandiose d'Alexandre Desplat, et les sublimes images d'Emmanuel Luberzki.

Étrangement, le lien empathique avec le spectateur s'établit plus difficilement. D'où, probablement, la tiédeur de l'accueil hier à la projection de presse.

Brad Pitt au front

Terrence Malick, très «timide», dit-on, n'a pas accompagné son film à Cannes. Il n'a évidemment pas pu se prêter au jeu de la conférence de presse. La productrice Sarah Greene a déclaré que l'auteur cinéaste n'aimait pas expliquer son travail et que, de toute façon, «ses films parlent pour lui». Sean Penn «étant retenu à Haïti» (il a pourtant été vu sur le tapis rouge en soirée), Brad Pitt est venu rencontrer les journalistes en conférence de presse, accompagné de sa (formidable) partenaire de jeu Jessica Chastain, et de quatre producteurs.

«Terrence m'a d'abord remis un scénario très dense, mais sur le tournage, il préfère capter des moments de vérité qui surgissent de façon spontanée, a expliqué l'acteur. Il réécrivait des scènes pratiquement tous les jours. Il ne souhaitait pas mettre de l'avant des idées préconçues. Ce fut pour moi une expérience unique. Mais je ne sais pas si je referais ça souvent. C'est épuisant! Cela dit, Terrence a influencé ma manière de voir les choses et je me rends aujourd'hui compte que les plus belles scènes relèvent souvent d'accidents heureux.»

«Un tournage avec Terrence est une leçon d'abandon total, ajoute Jessica Chastain, qui interprète le rôle de la mère de Jack dans le film. Tu ne peux rien planifier, tout échappe à ton contrôle.»

«En fait, tourner avec Terrence est un acte de foi, conclut Brad Pitt. Mais tu sais que tu es entre de bonnes mains. Alors, tout va bien.»

The Tree of Life prendra l'affiche le 17 juin au Québec.

Nostalgie d'un bordel


Bertrand Bonello, auteur cinéaste singulier (Quelque chose d'organique, Le pornographe), revient en compétition officielle huit ans après Tiresia. L'apollonide (Souvenirs d'une maison close) est un drame dont l'intrigue est campée dans une maison close parisienne au tournant du XXe siècle. Noémie Lvovsky, toujours juste, tient le rôle d'une tenancière veillant au confort de ses «filles». Qui vivent dans cet environnement «clos» en marge de la société, toujours exclues. Un drame survient. Une prostituée est défigurée à jamais à cause d'un acte violent d'un client. L'événement sonne le glas d'une époque révolue. Malgré une direction artistique remarquable, malgré aussi la présence de quelques-unes des meilleures jeunes actrices du moment (Hafsia Herzi, Adèle Haenel, Céline Sallette), L'apollonide ne marque guère les esprits. Et distille plutôt la nostalgie d'une vision romantique de la prostitution.