Présenté dans le cadre de la compétition mondiale, le long métrage La run revêt les allures d’un film choc sur les ravages de la drogue. L’effort des frères Fuica est sincère, mais miné par un manque de moyens et un message social trop appuyé.

Pour les frères Demian et Leonardo Fuica, le lancement de La run dans le cadre du Festival des films du monde empruntait hier la forme d’un aboutissement. Pendant sept ans, ils auront porté leur projet à bout de bras, sans aucune aide financière des institutions, misant sur la bonne volonté des uns et des autres. Et surtout, un entêtement à toute épreuve.

« Pendant toutes ces années, on s’est fait dire par tout le monde qu’il était impossible de réaliser un film comme celui-là avec un million de dollars », expliquaient-ils hier au cours d’un point de presse tenu après la première projection. Or, nous l’avons fait avec un budget de 400 000 $ ! Bien sûr, ce fut très difficile. Nous aurions pu nous décourager souvent. Mais il nous semblait important d’aller jusqu’au bout. Pas sûr qu’on aurait envie de refaire ça ! »

Privilégiant un souci de réalisme, les frangins québécois d’origine chilienne plongent dans un milieu dur : celui des junkies et de ceux qui les alimentent en drogues de toutes natures. Au cœur du récit : Guillaume (Jason Roy-Léveillé), un jeune homme très  clean , bon garçon, qui n’a jusqu’ici jamais consenti à emprunter la même voie que son meilleur ami (Marc Beaupré), livreur au service d’une organisation criminelle. Son père (Paul Dion) ayant contracté une dette de jeu, importante au point de jeter ce dernier dans le désespoir, Guillaume décide de se « sacrifier » et entreprend d’effacer cette dette en rendant divers services.

Ancré dans l’urbanité montréalaise, La run emprunte une approche frontale – et brutale – pour dresser un portrait d’un monde régi par ses propres règles, ses propres codes.
« En fait, Demian et Leonardo nous demandaient de ne pas jouer, explique Jason Roy-Léveillé. Il fallait être le plus authentique possible. Ils nous ont demandé d’improviser aussi. Ils avaient déjà fait beaucoup de travail de recherche de leur côté. Les discussions que nous avons eues avec eux nous ont beaucoup nourris, nous, les acteurs. »

« Quand tu te retrouves dans une scène avec un junkie pis sa blonde qui, elle, t’offre des faveurs sexuelles en échange de dope et que ça se passe sous les yeux d’un enfant, disons que tu n’as pas vraiment besoin de jouer ! », ajoute Pierre-Luc Brillant, interprète d’un livreur se sentant menacé par l’arrivée d’une recrue plus « efficace » dans l’organisation.

Venus du Chili alors qu’ils étaient enfants, les frères Fuica ont par ailleurs voulu ancrer leur histoire dans un cadre très montréalais.

« J’ai grandi ici, rappelle Demian Fuica. Montréal est ma ville. Je suis amoureux d’elle. Quand il est question de Montréal dans les films québécois, on ne retrouve pas toujours une saveur très authentique il me semble. C’est pour cette raison que j’ai tourné ce film caméra à l’épaule. J’ai voulu faire un film viscéral, qui vient du ventre, et qui s’adresse avant tout aux gens d’ici. À la limite, c’est presque un film patriotique ! J’ai même demandé aux acteurs de sacrer davantage afin que le langage soit le plus vrai possible, même s’ils avaient parfois réticence à le faire ! »

Des effets redondants

La réalisation d’un film de ce genre avec aussi peu de moyens relève d’une sorte d’exploit, reconnaissons-le. Mais elle ne constitue pas une réussite artistique pour autant.

Les effets de mise en scène sont souvent redondants, martelés par une trame musicale parfois trop insistante. Le récit transcende rarement l’anecdote. Et ne parvient pas vraiment à atteindre une dimension plus profonde.

Si les acteurs livrent de solides performances (Roy-Léveillé, Beaupré, et surtout Martin Dubreuil – ce dernier saisissant dans le rôle d’un junkie), il reste que le « message » social se révèle ici trop appuyé, particulièrement au cours du dernier acte, forcément tragique.

À la fin de la conférence de presse, les frères Fuica n’ont d’ailleurs pas hésité à dire que leur film aurait été complètement différent s’ils avaient pu travailler avec un budget plus important.

« Mais nous avons quand même transposé à l’écran l’idée originale du film, née il y a sept ans, concluent-ils. Celle-ci a très peu changé. »

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La run. Aujourd’hui 14 h 40  au Quartier latin. En salle  le 26 août.