Tobe Hooper recevra le Prix de carrière honorifique ce soir à Fantasia. Il y présentera, après seulement quelques autres villes, dont Cannes et Los Angeles, la version restaurée de son célèbre classique, le film culte The Texas Chain Saw Massacre.

Tobe Hooper est un très gentil Texan de 71 ans qui visite Montréal pour la toute première fois. Il trouve la ville très belle et, en gentleman, demande à tous les photographes s'ils le préfèrent tout sourire ou sérieux, voire sombre.

Normal, quand on vit avec l'horreur depuis 50 ans. Comme Kurtz, le personnage interprété par Marlon Brando dans Apocalypse Now de Francis Coppola, Tobe Hooper a compris que l'horreur était un ennemi à craindre s'il ne s'en faisait pas un ami.

«Je crois que je vis en paix devant l'horreur, dit-il. C'est quelque chose que je fais bien, à ma façon, même si cela peut paraître prétentieux. C'est un produit fabriqué à la main n'existant que dans un seul magasin.»

Il a fait le tour plusieurs fois de son petit magasin d'horreur avec près d'une quarantaine de réalisations pour le petit et le grand écran en 50 ans, dont Poltergeist, Night Visions et Masters of Horror.

L'artisan a donc remis la main à la pâte pour superviser la restauration de son chef-d'oeuvre du genre, The Texas Chain Saw Massacre. Un film réalisé il y a 40 ans par cet ancien enseignant avec quelques collègues et étudiants.

«Ça fait si longtemps que ça m'a permis de prendre mes distances et de devenir plus objectif face au film, de réfléchir à sa réception plutôt qu'aux aspects personnels du tournage. À la fin, tout le monde me détestait en raison de diverses tensions liées au sujet, même si cela a servi le film», fait-il souriant.

Massacre à la tronçonneuse (en version française) raconte la virée à la campagne de cinq amis traqués par un tueur portant un masque de cuir et sa famille cannibale. Tiré d'un fait divers, le film trouve aussi son inspiration dans la perte d'innocence des Américains dans la foulée de la guerre du Viêtnam et du scandale du Watergate.

«En 1974, raconte Tobe Hooper, j'avais l'âge pour sentir la désillusion, notamment face à la télévision qui ne disait pas toujours la vérité. Tout est politique, même les relations humaines. Le film exprimait cette déception générale devant une situation où même la sous-culture disparaissait.»

Il ne s'agissait que de son deuxième long métrage, à l'époque. Or, il a pu travailler dans un climat de liberté presque complet.

«On ne pensait même pas que le dernier mot pouvait appartenir à quelqu'un d'autre que le réalisateur à l'époque, dit-il. Je me sentais complètement libre, même s'il y a eu un moment où j'ai dû convaincre le principal investisseur de quitter le plateau lors de la bizarre scène du repas.»

Restauration

Dans son traitement original, ce classique a été copié des milliers de fois. Il a connu une suite, elle aussi réalisée par Hooper, et un remake, mais rien qui vaille l'original. La restauration du film devenait un incontournable. Restait la façon.

«Je savais que plusieurs fans seraient déçus si je donnais au film un nouveau look, avoue Tobe Hooper, alors le film est resté le même. Il est moins granuleux, peut-être, plus atmosphérique.»

La bande-annonce met l'eau à la bouche, sans jeu de mots, en nous laissant voir un film aux couleurs ravivées et au son beaucoup plus net.

«En faisant passer le film du son mono au Dolby 7.1, je ne voulais pas perdre le travail de Buzz Knudson [récipiendaire de trois Oscars pour le son, dont un pour L'exorciste]. J'ai réussi à conserver son mixage sonore en le transposant en surround. Le son voyage maintenant tout autour de la tête des spectateurs», dit fièrement le cinéaste.

L'important, rappelle-t-il, dans un bon film d'horreur, c'est l'émotion et la réalité des scènes.

«Avec les acteurs, je cherchais à obtenir ce sentiment de vraisemblance, dit-il, sinon ça ne touche pas les gens. Si vous amenez le public à interagir avec le film en lui permettant de compléter lui-même le casse-tête, il sera touché comme à l'opéra et avec la musique. C'est presque physique.»

Et, contrairement aux westerns ou aux films de guerre, le cinéma d'horreur, lui, ne se meurt pas. Comme les comédies et les drames qui font rire et pleurer, l'horreur fait peur, un sentiment on ne peut plus humain.

«C'est comme les couleurs primaires, explique le cinéaste. C'est une émotion essentielle. Ça ne mourra pas.»

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La version restaurée de The Texas Chain Saw Massacreest présentée ce soir à 21h45 au théâtre Concordia Hall.