Les projections vont bon train au Cinéma Impérial, mais toute l'organisation du festival reste chaotique. Et le jury de la compétition mondiale du 40e FFM n'a maintenant plus que trois têtes.

Combien étaient-ils ? Cent cinquante ? Deux cents peut-être. À la toute première séance publique du FFM, vendredi matin au Cinéma Impérial, on attrapait des bribes de leurs conversations inquiètes. Ces cinéphiles indéfectibles constituent le noyau dur du bassin de spectateurs fidèles sur lequel Serge Losique s'appuie depuis des années pour assurer la survie de son festival.

À cause du réaménagement de toute dernière minute (et deux fois plutôt qu'une !) de la grille horaire, causée par le retrait des sept salles du Cineplex Forum, la plupart ignoraient même le titre du film qu'ils s'apprêtaient à voir, tout autant que la catégorie dans laquelle il était sélectionné. Mais ils étaient là. Parce que le FFM est « leur » festival à eux. Et qu'ils ont le sentiment que cette fois, l'événement est vraiment en péril.

DANS LA DISCRÉTION...

Contrairement à la coutume, la séance a d'ailleurs commencé en toute discrétion. Aucun présentateur ou présentatrice n'était là pour souhaiter la bienvenue et annoncer le programme. Pas d'artisan non plus pour dire quelques mots au public.

Quand les lumières se sont éteintes et qu'est apparue sur l'écran l'affiche du 40Festival des films du monde, les spectateurs ont spontanément applaudi. Plus fort que d'habitude. Comme pour bien faire comprendre à qui veut les entendre qu'ils ne sont peut-être plus aussi nombreux qu'auparavant, mais que leur présence compte.

Puis, ils se sont laissé porter par l'histoire de Prénom : Dobrica, Nom : Inconnu, un conte serbe à la Amélie Poulain (en moins bien quand même !), dans lequel un homme, abandonné mais recueilli bébé par un couple bienveillant, ne voit que du positif en toutes circonstances, malgré les malheurs qui se sont abattus sur lui tout au long de son existence. L'humour y est souvent caricatural, la mise en scène est plutôt rudimentaire, et il serait étonnant que le directeur photo gagne un prix. Mais un certain charme émane quand même de ce film écrit et réalisé par Srdja Penezic, inscrit dans la compétition des premiers longs métrages.

UN JURY AMPUTÉ DE MOITIÉ

La réorganisation de la grille horaire fait aussi en sorte que les films de la compétition mondiale - la section la plus prestigieuse du FFM - sont programmés en soirée, sans avoir été au préalable montrés en matinée. Et ils n'ont droit, comme les 40 films environ des autres catégories, qu'à une seule séance. Dans les coulisses, on raconte d'ailleurs que des cinéastes venus d'ailleurs à leurs frais, souvent jeunes, seraient complètement laissés à eux-mêmes. Et très en colère d'apprendre que leur film, qui devait être présenté au Cineplex Forum, a été sacrifié.

Après le film d'André Forcier Embrasse-moi comme tu m'aimes, qui a brisé la glace jeudi, seul un autre prétendant au Grand Prix des Amériques a été présenté vendredi. Cette séance de fin de soirée nous a d'ailleurs permis d'apprendre que seuls trois des six membres du jury honorent leur fonction actuellement : Goran Markovic, Eliseo Subiela et, bien sûr, Claude Gagnon. On laisse entendre que le cinéaste Sergei Bodrov et le producteur Donald Ranvaud pourraient encore, peut-être, se joindre au cercle intime, mais la présence du réalisateur Lee Tamahori n'est plus attendue.

« Je crois même que nous ne serons finalement que trois. Mais nous nous entendons très bien. Moi, j'aime ça ! »

- Claude Gagnon, membre du jury

Et qui tranchera si jamais il n'y a pas unanimité au sein du triumvirat ? « On va s'entendre ! », assure le réalisateur de Kenny.

UN SEUL FILM EN COMPÉTITION

Le deuxième long métrage de la compétition mondiale est The Unexpected (L'inattendu), un film de Zhanjun An. Deux des six longs métrages réalisés par le cinéaste chinois ont déjà été sélectionnés à Montréal. Le tout premier, connu au FFM sous le titre De pères en fils, a en outre valu à Zhanjun An le Grand Prix spécial du jury en 2004. Vu l'heure très tardive de la présentation, nous n'avons cependant pu voir qu'une partie de sa nouvelle offrande. Assez, quand même, pour constater que ce drame passionnel, dans lequel le mari et l'ancien prétendant d'une femme, de retour au village après 10 ans d'absence, s'entredéchirent, ne se distingue guère sur le plan de la mise en scène et de l'interprétation. Belle initiative d'avoir pensé à offrir des doubles sous-titres (français et anglais), mais certaines phrases, très mal écrites, n'avaient guère de sens.

LE SYNDROME NIPPON

Plus tôt, en début de soirée, les festivaliers, alors un peu plus nombreux, ont eu droit à The Seal of the Sun, un film de Futoshi Sato inscrit dans la section Regards sur les cinémas du monde. Soutenu par une forte délégation (d'où, on présume, son inscription in extremis à l'horaire), ce film se pose un peu comme un China Syndrome nippon, inspiré par la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. Tremblement de terre, tsunami, accident nucléaire causent un branle-bas de combat dans toutes les sphères du pouvoir japonais. Le récit - les personnages sont fictifs - nous plonge ainsi au coeur de l'action et s'attarde aux rôles de tous les intervenants de l'histoire. C'est gros, mal joué parfois, truffé d'effets dramatiques inutiles. Mais ce film a le mérite, quand même, de nous donner une idée de l'ampleur du drame.