Il reste. C'est confirmé. Malgré les mille et une rumeurs qui courent depuis un certain temps, Serge Losique reste à la barre du FFM à la fois comme président du Festival et comme président de son conseil d'administration. C'est lui-même qui me l'a confirmé lors de notre premier tête-à-tête depuis la fin du FFM.

«Ils ont essayé de me tuer une première fois, ça n'a pas marché. Ils ont essayé une deuxième fois, cette année, ils n'ont pas réussi. Qu'ils sachent qu'ils ne réussiront jamais à me tuer! Jamais», m'a lancé le président.

J'avais demandé de le rencontrer pour faire le point sur la suite des choses et pour voir s'il y aurait même une suite. Je voulais aussi savoir si, dans son esprit, l'après-Losique était déjà entamé ou si, au contraire, cette ère avait été reportée aux calendes grecques.

Or, pour l'instant, tout porte à croire que l'ère Losique est loin d'être terminée. Pendant combien de temps encore? Cinq ans? Dix ans? Vingt ans?

«Moins de cinq ans, a répliqué le président, le temps que je consolide le Festival sur le plan financier et qu'on trouve la bonne personne pour remplacer Danièle Cauchard qui, bien entendu, va assurer la transition jusqu'à ce moment-là. En attendant, nous avons déjà commencé à travailler sur l'édition de l'année prochaine.»

L'accueil du public

Mais encore. Même si le 38e FFM n'a pas été un échec retentissant comme certains l'avaient prédit, ce ne fut pas non plus un succès fulgurant.

M. Losique n'est évidemment pas d'accord. Il affirme que malgré l'absence d'aide publique et la perte de plusieurs centaines de milliers de dollars qui lui avaient été promis, l'édition de 2014 fut un beau succès, autant pour la qualité des films sélectionnés que pour l'accueil du public qui, selon lui, a répondu présent en très grand nombre. À ce chapitre, je suis obligée de le contredire sur au moins un point.

Toutes les séances de la compétition le matin étaient, sinon pratiquement vides, remplies par seulement une poignée de cinéphiles. M. Losique admet que les séances du matin n'étaient pas les plus courues, mais que celles de l'après-midi et du soir affichaient complet. Idem, dit-il, pour les séances au Quartier latin. Si c'est le cas, tant mieux et surtout bravo à tous ceux qui, malgré les rumeurs de naufrage, ont choisi de monter dans le bateau.

Il reste un point par contre que le président peut difficilement nier: l'absence criante de journalistes étrangers. Pour avoir assisté à la plupart des conférences de presse, je suis en mesure d'affirmer sans exagérer que les représentants de la presse étrangère se comptaient sur les cinq doigts de la main, et encore.

Serge Losique acquiesce, mais en plaidant que si la presse étrangère se pointe en masse à Cannes, Berlin, Toronto ou Venise, c'est une affaire de budget. Ces grands festivals ont en effet les moyens d'inviter les journalistes et de payer leur hébergement.

Pour étayer son argument, il brandit une feuille dont la source n'est pas identifiée, mais où sont consignés les budgets des grands festivals.

Cannes est au sommet de la pyramide avec un budget de 30 millions, Berlin arrive deuxième avec un budget de 27 millions, puis suivent Toronto (18 millions) et Venise (16 millions). Montréal est bonne dernière avec un budget de moins de 5 millions qui ne permet pas de payer grand-chose à la presse étrangère, à part peut-être une bière...

Le parent pauvre

M. Losique me tend un autre document qui, cette fois, détaille l'ensemble des compressions publiques subies par le FFM de 2005 à 2013. Ces coupes se chiffrent à 9,5 millions et n'expliquent rien sinon une perte d'intérêt ou de confiance de la part des gouvernements.

Le dernier document que me tend Serge Losique est la liste des contributions financières accordées aux événements culturels par la Ville de Montréal en 2012. Une fois de plus, on constate que le FFM ne pèse pas lourd dans la balance. Avec une aide de 150 000$, le FFM est le parent pauvre du lot.

Même le collectif des Festivals, un regroupement qui a depuis suspendu ses activités, avait reçu cette année-là une subvention supérieure (250 000$) à celle du FFM, signe que M. Losique n'a pas beaucoup d'amis à la Ville de Montréal et que cela ne date pas d'hier. Si le passé est garant de l'avenir, on voit mal comment les choses pourraient s'arranger.

Mais Serge Losique demeure imperturbable. L'avenir, c'est le présent, réplique-t-il, fort d'un nouveau plan de match.

On se souvient qu'après le refus de la SODEC d'offrir un appui financier au FFM, la direction du Festival a hypothéqué le cinéma Impérial pour financer la 38e édition.

Or, Serge Losique affirme être en possession de plusieurs lettres d'entente de partenaires qui s'étaient officiellement engagés à lui verser des sommes d'argent avant la débâcle financière déclenchée par la SODEC.

M. Losique entend maintenant récupérer les sommes dues et promises par Loto-Québec (100 000$), par Tourisme Montréal (125 000$) et par Tourisme Québec (165 000$).

Mais des vérifications faites auprès de ces partenaires démontrent que Serge Losique risque de se heurter à un mur. Les trois ont confirmé qu'il y avait bel et bien eu des ententes, mais qu'elles étaient conditionnelles à la réalisation d'un événement d'envergure artistique et touristique qui, selon eux, n'a pas été atteinte.

Les trois invitent par contre Serge Losique à déposer une demande d'aide pour l'année prochaine. C'est ce qu'on appelle une mince consolation.