D'un point de vue sociologique, La Bolduc est un film digne d'intérêt. Les films faisant écho à notre histoire collective ne sont pas si nombreux, après tout.

Mary Travers, douée pour turluter avec humour les petits et grands malheurs d'un peuple «né pour un petit pain», n'a certes pas volé son titre de figure mythique du Canada français.

À cet égard, on peut aisément tracer un lien avec Louis Cyr. Même si «l'homme le plus fort du monde» est né 31 ans avant l'interprète de Ça va venir, découragez-vous pas, les deux personnages sont issus du même siècle, de la même société, du même poids de la religion, de la même misère, de la même difficulté à joindre les deux bouts, parfois même du même exil américain.

Mary devait de surcroît faire face à des difficultés supplémentaires: la crise économique des années 30 et... sa condition de femme. Le scénario de Frédéric Ouellet, que porte à l'écran François Bouvier, insiste d'ailleurs beaucoup - avec raison - sur cet aspect.

Ainsi, la première scène du film nous montre un curé en train de faire la morale à Mary parce qu'elle donne un spectacle dans le sous-sol de son église plutôt que d'être à la maison à s'occuper de ses enfants. Bien entendu, il accepte néanmoins de très bon coeur la part des recettes qu'elle lui remet.

Ayant commencé sa carrière de chanteuse par nécessité - son mari Édouard (Émile Proulx-Cloutier) étant, humiliation suprême pour lui, dans l'impossibilité de gagner sa croûte -, celle qu'on appelait La Bolduc a défoncé les barrières sociales malgré elle. Elle a notamment pu gérer elle-même ses revenus, une chose alors interdite à l'époque, les femmes mariées ayant aux yeux de la loi un statut de «mineure». Quand la suffragette Thérèse Casgrain se pointera dans le décor et militera pour le droit de vote des femmes (obtenu en 1940 au Québec), Mary ne comprendra pas ce combat. Elle le trouvera même ridicule et se prononcera contre. Debbie Lynch-White exprime avec beaucoup de subtilité l'ambiguïté d'une femme ayant du mal à mesurer sa popularité et l'impact social qui en découle, tout en étant parfaitement consciente de sa propre force intérieure.

Bien appliqué, mais prévisible

Si le personnage suscite la fascination, force est toutefois de constater que les rebondissements se font plutôt rares dans ce scénario bien appliqué, mais prévisible. Aussi, cette idée de greffer à tout prix le combat politique des femmes au parcours de la chanteuse apparaît ici un peu plaquée. Les chansons de la compositrice, fantaisistes et amusantes, auraient aussi eu avantage à être mises plus en valeur, car elles expriment mieux que n'importe quel discours la réalité de l'époque.

À l'arrivée, La Bolduc est un film correctement fait, très classique de forme, magnifié par les performances de comédiens talentueux. On louera bien sûr la composition de Debbie Lynch-White, dont on sent l'investissement à chaque plan, mais aussi celles d'Émile Proulx-Cloutier, de Bianca Gervais (formidable dans le rôle de Juliette Newton, l'amie plus émancipée) et de Rose-Marie Perreault, la fille aînée dont les rêves de gloire seront vite neutralisés. Car, dans la mentalité du Canada français de cette époque, vouloir davantage que son «petit pain» était inconcevable. Même en turlutant.

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La Bolduc. Drame biographique de François Bouvier. Avec Debbie Lynch-White, Émile Proulx-Cloutier et Rose-Marie Perreault. 1 h 43.

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Photo fournie par Les Films Séville

La Bolduc