Pour vivre ici est un film de Bernard Émond. Déjà, ça situe. Il n'y aura point ici de rebondissements à l'emporte-pièce ni de montées dramatiques à chaque détour du scénario. Fidèle à sa nature, le réalisateur de La neuvaine présente plutôt un film subtil et poignant, ancré dans la culture de ce pays, duquel émane une réflexion - voire une interrogation - à propos de la pérennité de celle-ci.

Quand elle demande à Paul, le meilleur ami de son mari, d'enfourcher sa motoneige pour se rendre à la cabane qu'apprécie tant l'homme qu'elle aime, Monique (Élise Guilbault) a le pressentiment d'un malheur. En effet, au beau milieu de l'hiver d'une contrée isolée de la Côte-Nord, Paul découvre son ami sans vie.

Les deux enfants du défunt (Danny Gilmore et Marie Bernier), qui mènent des carrières professionnelles enviables à Montréal, rappliquent à Baie-Comeau pour les funérailles de leur père et repartent aussitôt le lendemain. Monique ne trouve d'autre solution pour engourdir sa peine que de marcher sur les chemins enneigés, pour mieux s'isoler ensuite.

Quand, plus tard, elle rend visite à ses enfants à Montréal, Monique est bien accueillie, mais la distance émotive a déjà fait son oeuvre. Il n'y a aucune hostilité, mais un certain malaise s'installe, illustré par de menus détails. En fait, Monique entretient un lien émotif plus fort avec Sylvie (Sophie Desmarais), l'amie d'un fils mort il y a 15 ans, en qui elle retrouve les qualités qu'elle admirait tant chez son mari: l'empathie, l'écoute, l'envie de prendre soin des autres et de s'assurer de leur bien-être. Cette dernière l'accueille d'ailleurs avec compassion et une chaleur non feinte.

L'appel du passé et des origines étant aussi très fort, Monique décide alors de partir seule vers la petite ville du nord-est de l'Ontario où elle est née. Plus rien de ce qu'elle connaissait n'y existe encore, mis à part les souvenirs d'enfance qui remontent à la surface, à la faveur de rencontres avec les gens de son âge qui, eux, n'ont jamais quitté la petite municipalité francophone.

Une histoire au passé simple

À vrai dire, Pour vivre ici est le portrait d'une femme issue d'une époque dont les repères - familiaux, religieux, communautaires - sont tombés un à un. À preuve, la narration de l'histoire, livrée par Angèle Coutu en voix hors champ, a été écrite au passé simple, un temps plus rarement conjugué de nos jours.

Cela dit, le dialogue avec la présente époque, et les possibilités nouvelles qu'elle offre, est illustré par les conversations entre Monique et Adhita (Amena Ahmad), la nouvelle conjointe de son fils. Le constat, quand même un brin nostalgique, n'est pas désespéré, mais il fait évidemment écho à un monde en pleine mutation.

Le cinéaste, appuyé par le directeur photo Jean-Pierre St-Louis, n'hésite pas à faire écho à la nature majestueuse du territoire en parsemant son film de magnifiques paysages hivernaux.

Et puis, il y a Élise Guilbault. Retrouvant Bernard Émond une quatrième fois, l'actrice, dont l'approche du jeu vise ici le dépouillement, est une fois de plus remarquable en communiquant au spectateur les moindres vibrations de son personnage, avec une grande économie de moyens. Du grand art.

Pour vivre ici. Drame de Bernard Émond. Avec Élise Guilbault, Sophie Desmarais, Danny Gilmore. 1h30.

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Image fournie par Les Films Séville

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