Si un jour vous achetez ou recevez en cadeau le petit livre Arrêt sur l'image de Martin Gignac et qu'une fois lu, vous le prêtez à papa, maman, frérot, soeurette et aux amis, et si le livre vous revient écorné, fatigué et maculé de taches de café, l'auteur ne vous en tiendra pas rigueur.

Parce que ce qui compte pour lui, c'est de «diffuser la culture», comme il le dira deux fois plutôt qu'une en entrevue à La Presse à l'occasion du lancement de son ouvrage qui porte le sous-titre de 41 portraits de cinéastes québécois.

Journaliste au quotidien Métro et pour le site cinema.ca, blogueur et critique, le collègue Gignac est de toutes les conférences de presse, de toutes les rencontres et entrevues portant sur le septième art. Derrière le regard un brin timide et la voix douce de ce grand taciturne se cache un redoutable cinéphile qui, on l'a dit, adore partager ses expériences.

400 films par année

«Je vois environ 400 films par année, dit-il. Et j'ai aussi été collectionneur. Je préfère avoir l'objet sous la main plutôt que de le trouver sur internet. Ce qui me permet de le prêter.» De là, la diffusion culturelle. «Nous sommes là pour faire connaître la culture», dit-il.

Dans cette perspective, il estime que les médias peuvent bien parler encore et encore du cinéma québécois, il n'y a «pas grand-chose» (cf note 1) en matière d'ouvrages grand public. Il s'est donc lancé dans l'écriture d'un livre sans prétention aucune, sinon celle de faire mieux connaître les cinéastes d'ici et de nous faire partager le fond de leur pensée. Les portraits sont courts - des esquisses de deux, trois pages chacune -, mais le résultat est convaincant.

De Denis Villeneuve à Denis Côté, de Jean-Philippe Duval à Micheline Lanctôt en passant par Louis Bélanger, Paule Baillargeon, Anaïs Barbeau-Lavalette et Xavier Dolan, Martin Gignac a ratissé large en proposant ces portraits selon un ordre volontairement aléatoire.

Mélanger les styles

«Ç'aurait tellement été facile de présenter les cinéastes selon un ordre alphabétique! dit-il à la blague. Mais je préférais nettement mélanger les styles, les gens et les époques. Et je ne voulais pas rassembler non plus les cinéastes avec des visions similaires. Je préférais un mélange.»

Il reste que le lecteur remarquera certaines constantes. Comme la délicate question du financement du cinéma. Alors que d'autres préfèrent niveler par le bas pour mieux crucifier les «profiteurs» des fonds publics, Martin Gignac permet aux artisans de faire mieux comprendre à quel point faire des films relève souvent du miracle.

Faire des livres aussi, d'ailleurs. Après avoir cogné à plusieurs portes, après avoir vu une maison d'édition lui proposé un contrat pour ensuite faire faillite, l'auteur a fondé la sienne (Requiem pour un livre) et s'est édité à compte d'auteur. «Je ne suis pas dupe. J'ai fait imprimer 500 copies, dit cet admirateur de Béla Tarr, Darren Aronofsky et Terrence Malick. Je ne ferai pas d'argent avec ça.»

Mais pour la diffusion de la culture, il ajoute sa brique dans une grande, une très grande maison.

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(note 1) Un autre auteur, Gilles Marsolais, vient aussi de publier un ouvrage intitulé Cinéma québécois - de l'artisanat à l'industrie, publié aux éditions Triptyque.