On ne sait pas exactement ce qu'il y a dans l'eau de Winnipeg, mais force est de constater que la ville canadienne où les nuits sont longues n'en finit plus de mettre au monde des réalisateurs de cinéma à l'imaginaire foisonnant, débordant, décalé.

Aux déjà inspirants Guy Maddin et Matthew Rankin, noms les plus connus du Winnipeg Film Group, s'ajoute maintenant le nom de Ryan McKenna. Car son long métrage Le coeur de madame Sabali est une histoire extrêmement originale campée dans un univers pour le moins singulier. Un univers rappelant celui de Stéphane Lafleur (En terrains connus, Tu dors Nicole).

Au fait des recherches scientifiques portant sur la mémoire cellulaire, phénomène voulant qu'un receveur d'organe obtienne en même temps une partie de la personnalité de son donneur, McKenna a imaginé l'histoire de Jeannette (Marie Brassard), une femme dont la vie sera totalement chamboulée au lendemain d'une transplantation cardiaque. Le tout nous est servi dans un univers onirique, coloré et peuplé de personnages secondaires aux auras étranges...

Ryan McKenna

«J'avais envie de parler de la famille. Qu'est-ce qu'une famille? Un fils? Un frère? J'ai lu plein d'histoires sur des frères et soeurs qui, séparés à la naissance, vont avoir une attirance l'un pour l'autre», dit le cinéaste.

«Dans cet esprit, ma mise en scène est teintée d'un grand humour visuel. Elle se veut dans la tradition d'un Buster Keaton ou d'un Jacques Tati. J'aime l'humour pince-sans-rire, avec des acteurs très sérieux et où la musique et les couleurs font ressortir les situations comiques.

«Pour incarner Jeannette, j'avais envie de travailler avec Marie Brassard, dont j'avais vu le travail, entre autres au théâtre. Lorsque je suis sorti de l'université, mon premier emploi a été sur le film My Winnipeg (de Guy Maddin) et j'ai été fasciné par la culture du cinéma de Winnipeg, qui nous donne des films vraiment étranges. Les gens du Winnipeg Film Group sont toujours à la recherche d'un style unique.»

Marie Brassard

Au cinéma, la comédienne a souvent travaillé avec des réalisateurs qui proposent des oeuvres aux univers singuliers, tels Robert Lepage, Stéphane Lafleur ou Denis Côté. C'est de nouveau le cas ici.

«J'ai toujours travaillé avec des réalisateurs intelligents, intéressants, qui proposent un univers personnel et singulier, dit-elle. Lorsque j'ai rencontré Ryan, j'ai tout de suite été séduite. Pour moi, l'artiste passe avant le reste. J'ai vraiment besoin de sentir que j'aime la personne qui va réaliser le film.»

Et que dire de Jeannette? «C'est une femme qui arrive à la cinquantaine et dont la vie est douloureuse de toutes sortes de façons, autant moralement, émotivement, physiquement. En recevant ce coeur d'une femme africaine, c'est comme si tout à coup, on lui donnait une seconde chance. Elle est un peu dépassée par les événements, mais, malgré tout, elle se laisse happer par le courant et s'abandonne à toutes les propositions farfelues qui lui sont faites.»

Francis La Haye

Le comédien fait-il des parallèles entre le cinéma de McKenna et celui de Stéphane Lafleur, avec qui il a tourné deux films?

«Lorsque, avec Ryan et Marie Brassard, nous avons travaillé pour trouver le ton du film, nous nous sommes rendu compte que les informations ne sont pas véhiculées par le texte. C'est la mise en scène des situations qui parle le plus. En ce sens, oui, Stéphane Lafleur est très porté là-dessus», répond La Haye.

«Dans Le coeur de madame Sabali, il y a une forme de lenteur, d'économie dans le mouvement pour laisser toute la place à la mise en scène.»

Que dire de son Albert? «C'est un garçon qui fait de la peinture, qui est bien avec lui-même et qui ne se pose pas tant de questions. Il a envie de vivre une aventure avec Jeannette, femme lumineuse et merveilleuse. Dans ce sens-là, il se dit: pourquoi pas! Je crois qu'Albert est touché par la situation de Jeannette, qui doit recevoir un nouveau coeur. Il est aussi attiré par son mystère.»

_____________________________________________________________________________

Le coeur de madame Sabali prendra l'affiche le 4 décembre.